Nouvel extrait de Les bolcheviks et le contrôle ouvrier, par Maurice Brinton, brochure du groupe Solidarity traduite en français dans Autogestion et socialisme (sept.-déc. 1973). La brochure complète n’est actuellement disponible sur internet qu’en anglais et en espagnol. Les précédents extraits que nous avons publié sont: Lénine et le contrôle ouvrier en 1917 et La revue “Kommounist” et les communistes de gauche en 1918.
8-16 mars 1921:
Le Xème Congrès du Parti fut l’une des réunions les plus dramatiques de toute l’histoire du bolchévisme. Mais en un sens,les arguments utilisés et les luttes qui s’y livrèrent ne furent que le reflet déformé de la crise, beaucoup plus profonde, qui secouait tout le pays. Des grèves importantes avaient éclaté fin février dans la région de Petrograd: Cronstadt se soulevait en armes. Mais ces événements ne constituaient que la partie visible d’un énorme iceberg. Le mécontentement et la désillusion étaient partout.
Le contrôle de l’appareil du Parti sur le Congrès fut total, du début à la fin. Un climat semi-hystérique, comme on n’en avait jamais connu dans les réunions bolchéviks, s’imposa dans les séances. La direction du Parti considérait maintenant comme absolument indispensable de liquider l’Opposition, car, qu’elle le sût ou non, qu’elle le voulut ou non, elle était en train de devenir le porte-parole de tous les mécontents et de toutes les aspirations déçues. Et il fallait surtout empêcher que Cronstadt n’apparaisse comme un mouvement qui défendait les principes de la Révolution d’Octobre contre les communistes – l’idée de la « troisième révolution » – or c’était exactement ce que les insurgés affirmaient. « Nous luttons – proclamaient-ils – pour le pouvoir effectif des travailleurs, les communistes: Trotsky, Zinoviev et leur bande de sicaires ne massacrent et ne fusillent que pour maintenir leur dictature » [1]. « C’est Cronstadt que l’on trouva aux premières lignes en février et en octobre. C’est encore lui, qui brandit, le premier, le drapeau de la troisième révolution des travailleurs. L’autocratie est tombée. La Constituante n’est plus qu’un souvenir. Et le régime des commissaires s’écroulera de même à son tour. Le moment du véritable pouvoir des travailleurs est arrivé. Le moment du pouvoir des soviets est venu ». [2]
Au Congrès, Trotsky attaqua l’Opposition Ouvrière: Ils ont avancé des mots d’ordre dangereux. Ils ont transformés les principes démocratiques en fétiches. Ils ont placé le droit des ouvriers à élire leurs représentants au-dessus du Parti. Comme si le parti n’avait pas le droit d’affirmer sa dictature, même si cette dictature entre momentanément en conflit avec l’humeur changeante de la démocratie ouvrière » ! Et il parla du « droit d’aînesse historique révolutionnaire du Parti ». « Le Parti est obligé de maintenir sa dictature (…) quelles que soient les hésitations temporaires même dans la classe ouvrière (…). La dictature n’est pas fondée à chaque instant sur le principe formel de la démocratie ouvrière (…) ».
Parallèlement à l’attaque (au sens strictement militaire) contre Cronstadt – à laquelle participèrent 200 délégués au Congrès – on assista à une brutale offensive verbale contre l’Opposition Ouvrière et les tendances similaires. Bien que les dirigeants de l’Opposition Ouvrière aient participé à l’attaque contre Cronstadt (car ils avaient encore des illusions sur le « rôle historique du parti » et n’avaient pas réussi à se débarrasser de leur vieux sentiment de fidélité envers l’organisation), Lénine et les autres dirigeants du Parti étaient, eux, parfaitement conscients de ce que les deux mouvements avaient en commun. « Les deux critiquaient la direction – écrit Daniels – pour avoir trahi l’esprit de la révolution, pour avoir sacrifié les idéaux égalitaires et démocratiques sur l’autel de l’opportunisme et de l' »efficacité », et tendre à s’intéresser de manière bureaucratique au pouvoir pour lui-même » [3]. Leurs revendications coïncidaient également sur de nombreux problèmes concrets. Ceux de Cronstadt, parmi lesquels il y avait de nombreux dissidents du Parti, avaient déclaré que « la République socialiste des soviets ne deviendra forte que lorsqu’elle sera administrée par les classes laborieuses à l’aide des syndicats rénovés (…). Les syndicats n’ont jamais pu devenir d’authentiques organismes de classe (…) à cause [de la politique] du parti au pouvoir » [4]. Leur langage était le même, jusques et y compris dans le « fétichisme » des syndicats.
Le Congrès s’ouvrit sur un violent discours de Lénine, qui lança un appel en faveur de la loyauté envers le Parti et dénonça l’Opposition Ouvrière comme « une menace pour la révolution ». L’Opposition représentait une déviation « petite-bourgeoise », « syndicaliste et anarchiste », « provoquée d’une part par l’entrée au parti d’anciens menchéviks, ainsi que d’ouvriers et de paysans qui n’ont pas entièrement assimilé la doctrine communiste; mais elle est due surtout à l’influence qu’exerce sur le prolétariat et le PCR l’élément petit bourgeois exceptionnellement puissant dans notre pays (…) » [5] (En réalité, les membres de l’Opposition étaient exactement le contraire et représentaient une réaction de la base prolétarienne du parti contre l’entrée en masse de tels éléments « petit-bourgeois »). On ne procéda pas à la moindre analyse attentive des arguments essentiels de l’Opposition, et lorsque les léninistes utilisèrent des arguments et non des invectives, on peut dire qu’ils n’étaient pas très cohérents. Par exemple, l’Opposition Ouvrière était non seulement (a) « authentiquement contre-révolutionnaire » et (b) « objectivement contre-révolutionnaire », mais également… « trop révolutionnaire ». Ses revendications étaient « trop avancées », étant donné que le gouvernement soviétique devait encore consacrer tous ses efforts à liquider le retard culturel des masses [6]. D’après Smilga, ce que demandait l’Opposition Ouvrière était si excessif que cela gênait les efforts du Parti en faisant naître chez les ouvriers des espoirs qui ne pouvaient être que déçus [7]. En outre, ce qui était bien plus grave, les revendications de l’Opposition Ouvrière n’étaient pas révolutionnaires dans le bon sens du mot: elles étaient anarcho-syndicalistes. L’anathème définitif était lancé. « Si nous périssons – déclara Lénine lors d’une conversation privée – le plus important est de sauvegarder notre ligne idéologique et de laisser des enseignements à ceux qui continueront notre œuvre. C’est ce qu’il ne faut jamais oublier, aussi désespérée que soit la situation » [8].
Adieu, les trop courtes journées de la lune de miel de 1917, adieu la rhétorique de L’État et la Révolution : on allait ressortir les cadavres de la scission de la 1ère Internationale. Le crime impardonnable de l’Opposition était que certains de ses membres (et surtout dans sa périphérie, des hommes comme Miasnikov et Bogdanov) commençaient à poser des questions trop gênantes. De manière maladroite et encore confuse, certains d’entre eux commençaient à mettre en question la suprématie du Parti — et d’autres à poser le problème de la nature de classe de l’État russe. Les dirigeants du parti pouvaient supporter (ils commençaient à y être habitués) les critiques sur les « déformations bureaucratiques » de telle ou telle institution — y compris du Parti lui-même. Mais ce qu’ils n’étaient pas disposés à tolérer, c’était qu’on sème le doute sur des questions aussi fondamentales.
La menace était d’ailleurs réelle, même si, à ce moment, ces idées n’étaient qu’implicitement contenues dans les thèses de l’Opposition. Il est vrai que les thèses d’Ignatov soulignaient le danger des effets probables de « l’entrée en masse d’éléments d’origine bourgeoise et petite-bourgeoise dans notre Parti », se combinant avec « les dures pertes subies par le prolétariat pendant la Guerre Civile » [9]. Mais il était inévitable que certains tirent toutes les conclusions de leurs thèses. Ainsi, peu de temps après le Congrès, Bogdanov et le groupe Vérité Ouvrière affirmèrent que la révolution s’était terminée « par une défaite totale de la classe ouvrière ». Ils déclarèrent plus tard que « la bureaucratie et les « hommes de la NEP » sont devenus une nouvelle bourgeoisie, qui vit de l’exploitation des ouvriers et profite de leur désorganisation (…). Les syndicats étant aux mains de la bureaucratie, les ouvriers sont plus désemparés que jamais » « Le Parti Communiste (…) après être devenu Parti dominant, le parti des organisateurs et des dirigeants de l’appareil d’État et de l’activité économique de type capitaliste (…), à irrévocablement perdu tout lien et toute parenté avec le prolétariat » [10]. Ces conceptions menaçaient les fondements mêmes du régime bolchevique, il fallait les arracher impitoyablement de la tête des travailleurs.
« Le marxisme enseigne — déclara Lénine — (…) que le parti politique de la classe ouvrière, c’est-à-dire le parti communiste, est le seul capable de grouper, d’éduquer et d’organiser l’avant-garde du prolétariat et de toutes les masses laborieuses, qui est seule capable (…) de diriger toutes les activités unifiées de l’ensemble du prolétariat, c’est-à-dire le diriger politiquement et, par son intermédiaire, guider toutes les masses laborieuses. Autrement, la dictature du prolétariat est impossible » [11]. Bien entendu, le « marxisme » aurait pu également enseigner d’autres choses à Lénine. Que « l’émancipation des travailleurs sera l’œuvre des travailleurs eux-mêmes » [13], par exemple ou bien que « les communistes ne forment pas un parti distinct opposé aux autres partis ouvriers » [12]. Ce que Lénine défendait alors, ce n’était pas le « marxisme » mais le « léninisme » grossier du Que faire ? (écrit en 1902), le léninisme qui affirmait que la classe ouvrière, par ses propres moyens, ne pouvait atteindre qu’une conscience « trade-unioniste », et qu’il fallait introduire du dehors la conscience politique dans son sein, grâce aux efforts des éléments « porteurs de la science » ; « l’intelligentzia petite-bourgeoise » [14]. Pour les bolcheviks, le Parti incarnait les intérêts historiques de la classe ouvrière, qu’elle le comprenne ou non — et qu’elle le veuille ou non. Si on acceptait ces postulats, toute contestation de l’hégémonie du Parti — en paroles ou en actes — devenait une « trahison » de la Révolution, une violation des lois de l’Histoire.
« L’unité » fut le thème omniprésent du Congrès. S’appuyant sur la menace extérieure et sur la « menace » interne, la direction du Parti obtint sans grandes difficultés l’approbation de toute une série de mesures draconiennes. Ces mesures limitaient encore plus les droits des membres du Parti. Le droit de fraction fut aboli. « Le congrès déclare dissous et ordonne de dissoudre immédiatement tous les groupes sans exception qui se sont constitués sur tel ou tel programme (groupes de l’« Opposition Ouvrière », du « Centralisme démocratique », etc.). La non-exécution de cette décision du congrès doit entraîner sans faute l’exclusion immédiate du parti » [15]. Une clause secrète donna au Comité Central des pouvoirs disciplinaires illimités, y compris l’expulsion du Parti et du Comité Central lui-même (il suffirait pour cela d’une majorité des deux tiers).

Caricature de Kanevskii (1921): "Nous sommes nombreux au Ministère, mais n'y sommes que deux à travailler: le ministre et moi. Je lui apporte les documents à signer."
Ces mesures, qui ouvraient un nouveau chapitre dans l’histoire de l’organisation bolchevik, furent approuvées à une écrasante majorité. Mais certains avouèrent leur inquiétude. Karl Radek, par exemple, affirma : « J’ai l’impression qu’une règle vient d’être établie, mais sans que nous sachions très bien contre qui elle peut être appliquée. Lorsqu’on a élu le Comité Central, les camarades de la majorité ont présenté une liste qui leur en donnait le contrôle. Nous savons tous que cela arriva au moment où les dissensions commencèrent à apparaître dans le Parti. Nous ne savons pas (…) quelles complications peuvent surgir. Les camarades qui proposent cette règle pensent qu’il s’agit d’une arme dirigée contre les camarades qui ne pensent pas comme eux. Même si je vote en faveur de cette résolution, j’ai l’impression qu’elle peut se retourner contre nous ». Mais, en soulignant que le Parti et l’État se trouvaient dans une situation dangereuse, Radek concluait : « laissons donc le Comité Central, dans ce moment de danger, prendre les mesures les plus sévères, même si c’est contre les meilleurs camarades, s’il le juge nécessaire» [16]. Cette attitude, ou plutôt cette mentalité, (la classe ne peut avoir raison contre le Parti, le Parti ne peut avoir raison contre le Comité Central) donnera ultérieurement de terribles résultats. Elle deviendra un véritable nœud coulant passé au cou de milliers de révolutionnaires sincères. On la retrouve chez Trotsky, niant publiquement l’existence du « testament » poli¬tique de Lénine en 1927, ou chez certains de ces bolcheviks de la vieille garde qui vont « s’accuser ».
Face à cette transformation politique — ou plutôt, face à la brusque apparition au grand jour de quelque chose qui avait toujours été l’une des tendances sous-jacentes du bolchevisme — les « discussions » du Congrès n’eurent en elles-mêmes guère d’importance. Elles furent du reste délibérément laissées pour la fin. Perepechko, membre de l’Opposition Ouvrière, se situant toujours à l’intérieur du cadre idéologique du « Parti », accusa le « bureaucratisme » (au sein de celui-ci) d’être la cause de la coupure entre l’autorité des Soviets (et l’appareil soviétique dans son ensemble) et les grandes masses des travailleurs [17]. Medvedev attaqua le Comité Central pour sa « déviation qui consistait à se méfier des forces créatrices de la classe ouvrière et ses concessions à la petite bourgeoisie et aux couches de fonctionnaires d’origine bourgeoise » [18]. Pour lutter contre cette tendance et préserver l’esprit prolétarien du Parti, l’Opposition Ouvrière proposa que chaque membre du Parti soit obligé de vivre et de travailler trois mois par an comme « un ouvrier ou un paysan ordinaires, effectuant un travail manuel » [19]. Ignatov, dans ses thèses, demanda que tous les comités du Parti soient composés d’au moins deux tiers d’ouvriers. Cela faisait des années qu’on n’entendait pas de critiques aussi dures contre la direction. Un délégué provoqua un tumulte indescriptible en dénonçant Lénine comme le « plus grand des Chinovnik » (individu de rang élevé dans la hiérarchie de la bureaucratie tsariste) [20].
La direction manœuvra comme d’habitude. Une longue résolution sur les syndicats, rédigée par Zinoviev, fut votée par 336 voix contre 50 (pour les thèses de Trotsky) et 18 (pour celles de l’Opposition Ouvrière) [21]. « Zinoviev, dans ce document, dut faire pas mal d’efforts pour affirmer la continuité absolue avec la doctrine syndicale… fixée par le Premier Congrès Syndical et le programme du Parti en 1919. Il s’agissait de la tactique habituelle, créer un rideau de fumée d’orthodoxie pour dissimuler un changement d’orientation » [22]. Le document, qui parlait énormément de « démocratie ouvrière », soulignait en termes parfaitement clairs que le Parti dirigerait tout le travail syndical.
L’avant-dernier jour du Congrès, à la fin d’une session, sans la moindre discussion préalable à l’intérieur du Parti, alors qu’un bon nombre de délégués étaient déjà partis, Lénine fit ses célèbres propositions sur la Nouvelle Politique Économique. Il proposait de remplacer les réquisitions de blé, l’un des aspects les plus détestés du « communisme de guerre » à la campagne, par un « impôt en nature ». Ce qui signifiait la fin du contrôle gouvernemental du ravitaillement en blé, et par conséquent la liberté du commerce des céréales. Cette très importante proposition ne fut suivie que de quatre interventions de dix minutes chacune au Congrès. Des 330 pages du compte-rendu officiel du Dixième Congrès, 20 seulement sont consacrées à la NEP [23]. De toute évidence, le Congrès s’était surtout occupé d’autre chose…
C’est alors que commença le véritable « durcissement » interne. On vota une résolution stipulant que la « tâche immédiate la plus importante du Comité Central est d’obtenir la stricte uniformité dans la structure des Comités du parti ». Le nombre de membres du Comité Central passa de 19 à 25, dont 5 devaient se consacrer exclusivement au « travail du Parti » (et spécialement visiter les comités provinciaux et assister aux Conférences provinciales) [24]. Le nouveau Comité Central imposa immédiatement un changement radical dans la composition du Secrétariat. Les « trotskystes » (Krestinski, Preobrajenski et Sérébriakov), jugés trop tièdes dans leur appui à la ligne léniniste, furent éliminés du Comité Central. Des changements considérables furent également apportés à l’Orgbureau, ainsi qu’à la composition d’un certain nombre d’organisations régionales du Parti [25]. On installa à tous les échelons des éléments médiocres mais « disciplinés » et « sûrs ». « Les changements intervenus dans l’organisation en 1921 —écrit Daniels – constituèrent une victoire décisive pour Lénine, pour les léninistes et pour la conception léniniste de la vie du Parti » [26]. Le Parti ayant voulu la fin, commençait maintenant à vouloir les moyens.
Notes:
[1] « Appel radiophonique du Comité Révolutionnaire Provisoire au prolétariat mondial », Izvestias de Cronstadt du 13 mars 1921 [V. trad. in La Commune de Cronstadt..., p. 81].
[2] Izvestias de Cronstadt du 12 mars 1921 [Ibid, p. 74]
[3] R. V. Daniels, The Conscience of the Revolution, Harvard University Press, 1960, pp. 145-146.
[4] « Réorganisation des syndicats » in Izvestias de Cronstadt du 9 mars 1921 [La Commune…, pp. 50-51].
[5] « Sur la déviation syndicaliste et anarchiste dans notre Parti« , 10° Congrès du Parti, Résolutions, I, p. 530; et Lénine, Œuvres choisies, vol. 3, p. 695.
[6] Dixième Congrès…, pp. 382-383.
[7] Ibid., p. 258.
[8] L. Trotsky [Lettre à des amis d’URSS, 1930], Archives de Trotsky, T 3279.
[9] V. les thèses d’Ignatov in Dixième Congrès du Parti.
[10] N. Karev, « O gruppe « Rabochaya Pravda » » [Sur le groupe « Vérité Ouvrière « ], Bolchevik, 15 juillet 1924, p. 31.
[11] Dixième Congrès du Parti, Résolutions, 1,531 ; et V. I. Lénine, Oeuvres Choisies, vol. 3, p. 696.
[12] K. Marx et F. Engels, Manifeste du Parti Communiste, Paris, Ed. Sociales, 1962, p. 18.
[13] Ibid., p. 37.
[14] Mais il ne fallait pas non plus trop se fier à ces éléments. La première édition russe de Que faire ? portait en exergue le célèbre aphorisme de Lassalle : « Le Parti se renforce en s’épurant ».
[15] V. I. Lénine, « Avant-projet de résolution du Xème Congrès du P.C.R. sur l’unité du Parti », Oeuvres Choisies, vol. 3, p. 694 ; et Dixième Congrès…, Résolutions, I, p. 527-530.
[16] Radek in Dixième Congrès…, p. 540.
[17] Dixième Congrès…, p. 93.
[18] Ibid, p. 140.
[19] V. la «Résolution sur l’organisation du Parti présentée par l’Opposition Ouvrière », Dixième Congrès…, p. 663.
[20] Yaroslavski, Ibid., rapportant des propos de Y.K. Milonov.
[21] Dixième Congrès…, p. 828.
[22] R.V. Daniels, op. cit., p. 156.
[23] L. Schapiro, op. cit., p. 908.
[24] Dixième Congrès du Parti, Résolutions, p. 522-526.
[25] R.V. Daniels, op. cil., p. 151-152.
[26] Ibid, p. 15 2.
9 juin 2010 à 09:56
[…] La Bataille socialiste Conférence de solidarité avec les travailleurs irakiens (Londres, 2006)Comment ils sont devenus socialistes: Interview de Jean Zyromski (1931)Mansoor Hekmat, marxiste philanthrope privé de ses rêves pour l’Iran (2002)Le X° Congrès du Parti bolchevik en 1921 […]
J’aimeJ’aime
25 juin 2010 à 06:51
[…] revue “Kommounist” et les communistes de gauche en 1918 et Le X° Congrès du Parti bolchevik en 1921 (Maurice Brinton, […]
J’aimeJ’aime
27 juin 2010 à 11:24
[…] lucien Texte traduit en 1974 par Pierre Pascal d’après le compte rendu sténographique du Xe congrès du parti communiste russe, Desiati siefzd PCR (b), Stenografitcheskii otchiot, institut de marxisme-léninisme près le […]
J’aimeJ’aime
29 juin 2010 à 06:56
En 1921, le pouvoir soviétique était devenu une coquille vide. Les élections aux soviets se déroulaient sous l’œil attentif de la Tcheka. Parallèlement, des gardes armés patrouillaient les usines tandis que le taylorisme et la direction unilatérale étaient imposés à la classe ouvrière la plus révolutionnaire de l’histoire. Les ouvriers pouvaient accepter cela dans la mesure où la guerre civile contre les Blancs provoquait une situation exceptionnelle. Ils avaient aussi accepté de renoncer à l’élection des officiers dans les forces armées lorsque Trotski y avait introduit des membres de l’ancienne classe des officiers pour vaincre les Blancs. Néanmoins, durant la période qui s’écoula jusqu’au moment où le dernier général Blanc fut expulsé de Russie, en décembre 1920, divers signes laissaient déjà présager que ce régime d’exception allait perdurer. Les réquisitions de céréales continuèrent. Trotski annonçait même que les méthodes de l’Armée Rouge devraient être imposées à tous les travailleurs (le débat sur la militarisation des syndicats); et il n’y eut pas de nouvelles élections aux soviets. Partout, le discours se réduisait à une “discipline de fer” et à davantage de dictature. Il n’est pas étonnant que le parti fût à présent de plus en plus un parti de fonctionnaires plutôt que d’ouvriers et était en proie à la bureaucratisation. Cette bureaucratisation, à son tour, amena l’émergence d’une opposition provenant de groupes prolétariens à l’intérieur du parti bolchevik: des groupes comme les Centralistes Démocratiques, dirigés par Ossinski et Sapronov, l’Opposition Ouvrière dirigée par Chlyapnikov et Alexandra Kollontaï, et le Groupe Ouvrier de Miasnikov. Ces oppositions, indépendamment de leurs faiblesses et leurs erreurs, voulaient un retour aux principes révolutionnaires de 1917. Pas étonnant que Lénine écrive en 1921:
Nous devons avoir le courage de regarder en face la dure réalité. Le parti est malade, le parti a la fièvre. Et, à moins qu’il n’arrive à surmonter sa maladie rapidement et radicalement, une rupture se produira qui aura des conséquences fatales pour la révolution.
Toutefois, avant que le débat ne puisse avoir lieu au cours du Dixième Congrès du Parti communiste de Russie, en mars, les ouvriers de Petrograd et Moscou se mirent en grève. À Petrograd, les grèves étaient massives et exigeaient la liberté de presse, la libération des prisonniers politiques, et le retour à la démocratie dans l’État. Certains demandaient l’ouverture de marchés locaux d’alimentation pour contrer les pénuries croissantes (qui allaient éventuellement se transformer en famine lors de l’année 1921). Les contre-révolutionnaires essayaient eux aussi de tirer parti de la situation en revendiquant le retour de l’Assemblée Constituante. La réaction des bolcheviks en fut une de panique. Des troupes furent envoyées pour briser les grèves et arrêter les leaders. La Tcheka prétendait fallacieusement que le mouvement était dominé par des éléments paysans (puisque le noyau dur du prolétariat se situait exclusivement à Petrograd à ce moment). Le facteur décisif dans l’arrêt des grèves fut l’arrivée de nouveaux ravitaillements de pain puisque c’était l’annonce de nouvelles baisses dans ces rations qui avait été l’élément déclencheur en premier lieu.
La révolte de Kronstadt, qui éclata dans la base navale, était une réponse directe aux grèves de Petrograd et à la répression qui suivit. Le 28 février, une délégation de Petrograd fit un rapport de la situation et le programme des marins du navire Petropavlovsk fut adopté. Il exigeait de nouvelles élections aux soviets et la liberté pour tous les socialistes et anarchistes. On peut observer que le programme ne mentionnait aucunement la liberté pour la bourgeoisie, et les marins rejetèrent aussi sans réserve la proposition réactionnaire de re-convoquer l’Assemblée Constituante. Sur le plan économique, le programme revendiquait des rations plus équitables, une production artisanale limitée, et la possibilité pour les paysans de produire librement du moment qu’ils ne recouraient pas au travail salarié. C’était, en fait, beaucoup moins “capitaliste” que la Nouvelle Politique Économique (NEP) de Lénine, qu’il avait déjà commencé à suggérer avant même que la révolte n’éclate.
Kalinine, qui devint plus tard le président stalinien de l’URSS, fut envoyé à Kronstadt où il s’en tint à dénoncer les marins (qui n’était pas encore ouvertement en révolte). La riposte fut la production du journal Izvestia de Kronstadt (Nouvelles de Kronstadt) qui déclara:
Le Parti Communiste, maître de l’État, s’est détaché des masses. Il s’est démontré incapable de tirer le pays du chaos. Les incidents innombrables qui ont eu lieu à Petrograd et Moscou mettent en lumière le fait que le parti a perdu la confiance des masses.
La réponse du gouvernement bolchevik fut d’annoncer qu’il s’agissait d’un “complot des Gardes Blancs” dirigé par un ex-général tsariste nommé Koslovski. Le fait qu’à Paris des journaux émigrés avaient mentionné des troubles à Kronstadt fut utilisé afin de fournir les preuves nécessaires, malgré le rejet notoire de la contre-révolution à Kronstadt. Fondamentalement, les bolcheviks percevaient la contre-révolution comme ne pouvant provenir que de l’étranger, et donc, les habitants de Kronstadt ne pouvaient objectivement que servir cette contre-révolution. Il y eut d’importantes considérations stratégiques qui accentuèrent la panique au sein des cercles gouvernementaux. Aussi longtemps que la mer autour de Kronstadt était gelée, la possibilité d’atteindre l’île restait présente, mais dès que le printemps ferait fondre la glace, celle-ci serait hors d’atteinte et pourrait potentiellement devenir une base d’où une force capitaliste étrangère serait en mesure d’opérer. C’est pourquoi il n’y a pas eu de longues négociations. Trotski envoya à Kronstadt un ultimatum (qui incidemment n’incluait pas cette phrase lancée aux marins qu’ils seraient “abattus comme des perdrix”… elle parue plutôt dans un tract envoyé par le Comité de Défense de Petrograd dirigé par Zinoviev). Cet ultimatum fut rejeté le 7 mars 1921, lorsque les Izvestia de Kronstadt dénoncèrent Trotski en tant que “dictateur de la Russie soviétique”. La première attaque eut lieu le lendemain, mais elle échoua et 500 soldats gouvernementaux furent tués.
Une pause s’ensuivit parce que le même jour débutait le Dixième Congrès du Parti Communiste Russe (bolchevik). Si une nouvelle preuve devait être fournie pour nous convaincre que 1921 fut un tournant décisif en ce qui a trait au destin de la révolution soviétique, alors cette preuve fut dûment fournie par le Dixième Congrès. Trois questions fondamentales étaient à l’ordre du jour de cette conférence: la première était le rôle des syndicats dans le système soviétique; la seconde était la politique à adopter envers la paysannerie en considérant le fait que le système d’urgence mis en place lors de la période de guerre civile avait réduit de moitié la production agricole comparée à 1913; et enfin, la troisième était l’abolition des tendances à l’intérieur du parti.
La question des syndicats fut dominée par le débat avec l’Opposition Ouvrière dirigée par Alexandra Kollontaï et Alexander Chlyapnikov. L’Opposition Ouvrière souhaitait que les syndicats prennent la direction de la production, mais n’ayant le soutien que d’une cinquantaine de délégués, la résolution finale sur “Le rôle et les tâches des syndicats” rejeta cette thèse. Il fut plutôt décidé que les syndicats soient des “écoles du communisme”, et ainsi ne pouvaient donc pas faire partie de l’appareil d’État. Conséquemment, on s’accorda aussi pour faire des syndicats “les seuls secteurs… où la sélection des dirigeants devrait être faite par les masses organisées elles-mêmes”. C’est une preuve en soi de l’ampleur du déclin que prenait le pouvoir soviétique puisque cela impliquait qu’il ne puisse y avoir aucun retour à la démocratie soviétique.
Le 15 mars, le Congrès reconnut aussi la nécessité de la NEP pour que les réquisitions de produits céréaliers soient remplacées par un impôt en nature. Concrètement, cette concession faite aux paysans allait bien plus loin que ce que demandait Kronstadt. Beaucoup de bolcheviks s’y opposèrent, y compris Ossinski du groupe Centraliste Démocratique. Riazanov qualifia cette mesure de “Brest-Litovsk paysan”, en signifiant par là qu’elle était une autre concession à un ennemi de classe. La réplique de Lénine fut que “seul un accord avec la paysannerie peut sauver la révolution”.
De fait, la NEP laissait présager une attaque de grande envergure contre la classe ouvrière car elle entraînait la privatisation de petites entreprises. Sans le soutien de l’État, elles licencièrent des ouvriers et cela mena rapidement à une augmentation du chômage et à une chute des salaires. Le Parti bolchevik était maintenant à la fois le parti dirigeant un État qui tentait de s’accrocher en attendant la révolution mondiale, et à la fois un promoteur de la contre-révolution paysanne.
(Extrait de 1921: Kronstadt, début de la contre-révolution?, Bureau International pour le Parti Révolutionnaire)
http://www.leftcom.org/sv/node/1572
J’aimeJ’aime