Paru dans Économies et sociétés, Volume 8, et dans Critique et praxis.
La Gauche allemande (Textes). Suivi de « Pour l’histoire du mouvement communiste en Allemagne de 1918 à 1921 (Communisme de conseils et conseillisme) » par Denis Authier. Naples- Brignoles-Paris, la Vecchia Talpa-Invariance-laVeille Taupe, 1973, 170 p.
Le champ d’investigation des historiens de la Révolution allemande de 1918-1921 s’arrête en général au mouvement spartakiste et aux problèmes d’organisation du Parti considéré comme le deus ex machina de la révolution sociale ; au-delà s’étend le territoire abandonné aux excès de « gauchistes » d’autant plus dangereux et irréalistes que loin d’être partisans de Lénine, comme la quasi-totalité des gauchistes actuels, ils ont été marqués de ce stigmate infamant par Lénine lui-même qui les attaque dans la Maladie infantile du communisme. Aussi en est-on arrivé à ignorer systématiquement les positions et l’action de « ceux qui, dans la période révolutionnaire prolongeant la Première Guerre mondiale, ont été le plus loin dans la recherche, avant tout pratique, des voies propres à la révolution communiste (p. 129). Le livre du trotskiste Pierre Broué restera sans doute un modèle du genre, l’auteur se bornant à montrer que l’histoire de la Révolution allemande se réduit à « l’histoire de la naissance avortée d’un parti communiste « de masse » (Révolution en Allemagne, Paris. 1971. p. 12. Cf le compte-rendu in Cahiers de l’I.S.E.A. série S, n° 15, Paris, 1972) ». Ainsi l’étude des causes économiques et et sociales et des antagonismes de classes est délibérément reléguée au second plan, tout comme celle des forces sociales révolutionnaires qui se sont exprimées en dehors des partis politiques. A cet égard, le cas du groupe « Spartakus » et de ses dirigeants est exemplaire: l’aura mythique qui entoure la figure de Rosa Luxemburg — héroïne privilégiée de toute une littérature gauchiste de pacotille en vogue depuis Mai 1968 — tend à faire oublier ses responsabilités, et celles des autres chefs historiques du P.C. allemand, dans l’échec de l’insurrection de janvier à Berlin, et le caractère ambigu de ses interventions sur nombre des questions de tactique immédiate qui mirent aux prises en permanence la base du parti et les dirigeants (p. 141 sq.). Les textes théoriques et politiques recueillis dans cet ouvrage ont tous été écrits par des représentants de cette « gauche allemande » qui « tant qu’elle était un courant vivant (…) n’était pas aliénée par le fétichisme » des formes d’organisation qu’elle avait créées. Car, comme le constate Denis Authier dans sa postface, « esquisse rapide » destinée avant tout à faire « sentir le besoin d’une analyse de cette période (p. 130) », c’est dans l’héritage de cette gauche allemande écrasée par la contre-révolution que le gauchisme institutionnel puisera la « matière d’une nouvelle idéologie, appelée à être plaquée artificiellement sur un nouveau mouvement prolétarien et à être pour lui une entrave, l’idéologie conseilliste autogestionnaire qui communie dans l’adoration des conseils et ne pense libérer les prolétaires de leur condition prolétarienne qu’en leur imposant le travail supplémentaire de gérer leur propre misère, en « hommes dignes » et en « individus libres ». (…) Le conseillisme et l’autogestion, c’est aujourd’hui l’idéologie des capitalistes conscients (p. 131). »
Les textes émanant des différentes tendances ont été regroupés dans l’ordre suivant :
— Textes du KAPD (Parti ouvrier communiste d’Allemagne).
— Le KAPD au Troisième Congrès de l’I.C.
— Textes de l’AAUD (Union générale des travailleurs d’Allemagne).
— Textes de l’AAU-E. (Union générale des travailleurs. Organisation unitaire).
— Textes de la KAI (Internationale communiste ouvrière).
La « Bibliographie essentielle » placée en fin de volume révèle qu’il n’existe actuellement en France aucun ouvrage de référence sur l’histoire du mouvement communiste en Allemagne après la Première Guerre mondiale. Pour limité qu’il soit, ce livre comble donc une lacune importante. Signalons qu’il doit fournir la matière de base à un recueil de documents rassemblés et présentés par Denis Authier et Jean Barrot, la Gauche communiste en Allemagne, ouvrage à paraître aux éditions Payot (coll. « Critique de la politique »).
L.J.
Vous devez être connecté pour poster un commentaire.