Tribune libre
Dans son discours du 16 novembre 2015, suite aux attentats qui ont coûté la vie à 129 personnes à Paris, François Hollande fait plusieurs effets d’annonce qui méritent d’être relevés et critiqués.
François Hollande propose de « déchoir de sa nationalité française un individu condamné pour une atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation ou un acte de terrorisme, même s’il est né français ». Cependant, cette procédure ne doit pas rendre apatride et ne s’applique donc que si la personne bénéficie de la double-nationalité. Ces dispositions existent déjà depuis 1993 dans l’article 25 du code civil. Elles ont déjà été appliquées contre des personnes liées au terrorisme. Si Hollande les agite, c’est par pure démagogie, pour satisfaire les revendications d’une partie de la droite qui agite ce drapeau depuis quelque temps. C’est une simple variation sur la vieille antienne réactionnaire : « la France, tu l’aime ou tu la quitte », dans le contexte raciste où Valls enterre une énième fois la promesse socialiste du droit de vote pour les étrangers aux élections locales. Dans la lutte contre le terrorisme, c’est une mesure d’une efficacité folle : les candidats à l’attentat suicide seront sûrement arrêtés dans leur projets par la crainte de perdre leur nationalité.
Dans le même ordre d’idée, François Hollande aimerait que l’ont puisse « expulser plus rapidement les étrangers qui représentent une menace d’une particulière gravité pour l’ordre public et la sécurité de la Nation », le tout dans le respect des engagements internationaux de la France. Donc, si une personne préparer des attentats, on l’envoie les préparer dans un autre pays… C’est une absurdité, même si on laisse de côté que les auteurs des attaques de ces derniers jours étaient de nationalité française. C’est d’avantage une menace pour les étrangers qui se battent pour leurs droits en France que pour les terroristes et leurs émules. François Hollande et ses conseillers n’ignorent naturellement pas que les lois existantes en matière de lutte antiterroristes permettent d’arrêter et de condamner toute personne qui participe de près ou de loin à la préparation d’un attentat, voir se renseigne sur la manière d’en commettre un. Tout cela se trouve dans la loi du 13 novembre 2014, votée un an jour pour jour avant les attentats de Paris, taillée sur mesure pour la lutte contre les Jihadistes. Au-delà de la bourde stupide, la rhétorique de François Hollande sert simplement à légitimer les expulsions d’étrangers en général, à satisfaire la xénophobie ambiante.
Daesh ne fait pas seulement des attentats, mais aussi et surtout la guerre en Syrie et en Irak, tout comme sa filiale Boko Aram le fait dans une grande partie de l’Afrique, tout comme son allié le gouvernement d’Erdogan en Turquie, tout comme son adversaire Bachar El-Assad en Syrie, tout comme. Ce sont ces guerres que les réfugiés fuient. François Hollande cherche des distinctions entre « ceux qui relèvent du droit d’asile mais renvoie dans leurs pays ceux qui n’en relèvent pas ». Qu’est-ce que ça signifie ? Que celles et ceux qui ont tout permis, leur logement, leur ville, leur famille, leurs amis, qui ont laissé derrière eux leurs affaires, leurs souvenirs, vont devoir prouver l’improuvable, à savoir qu’ils sont bel et bien des victimes de la guerre. Il ne peut ignorer que c’est le discours construit par l’extrême-droite depuis des mois, propageant l’image de terroristes sournoisement infiltrés au milieu de hordes de réfugiés. Comme si les auteurs d’actions terroristes, qui sont tous ressortissants français, n’avaient pas d’autres moyens plus simples et plus rapides de circuler que de se faire passer pour réfugiés ? Du point de vue tactique dans la lutte contre le terrorisme, cette proposition est inutile. Du point de vue humanitaire, elle est nuisible puisqu’elle jette l’opprobre sur les réfugiés et les raisons pour lesquelles ils quittent leur pays natal. Du point de vue éthique, elle confond les victimes et leurs bourreaux, ceux qui causent les guerres et ceux qui les subissent. Derrière les belles paroles humanitaires de François Hollande se cache le durcissement de la situation pour les réfugiés. Quand il évoque les frontières nationales, les murs et les barbelés, qu’il tolère fort bien de la part de pays membres de l’Union européenne, c’est bien d’un renforcement de l’Europe forteresse dont il parle.
La police et la gendarmerie vont voir leurs effectifs revenir à leur niveau de 2007. L’effort consenti sera tel que les sacro-saints critères de stabilité de l’Euro vont être mis de côté, avec la bénédiction de Bruxelles. Curieusement, les hôpitaux, les services d’urgence, qui ont joué un rôle essentiel dans la mise en place de soins immédiats aux centaines de blessés des attentats de paris, ont été oubliés dans la liste. La loi santé a été repoussée, mais pas supprimée. Annoncé dans le contexte de ces attentats, le gonflement des effectifs policiers semble couler de source. Mais alors, comment expliquer que deux jours après le discours de François Hollande, le RAID ait été utilisé pour déloger trois logements occupés par des squatters, militants de gauche qui n’ont rien à voir de prêt ou de loin avec Daesh, ni avec l’Islamisme en général ? Parler, comme le fait François Hollande, des « conditions dans lesquelles ils peuvent faire usage de leurs armes » est inquiétant dans ce contexte. S’agit-il de lutte contre Daesh, ou de tuer d’autres militants écologistes, comme Rémi Fraisse voici à peine plus d’un an ? Contre qui, contre quoi doivent servir les unités d’élite ? Contre celles et ceux qui occupent des logements vides, qui luttent pour défendre l’environnement, ou contre les kamikazes de Daesh ? Les événements donnent à réfléchir sur ce que eux signifier l’état d’exception prolongé.
Voici des années que des militaires équipés de Famas sont déployés dans les gares, dans les galeries marchandes, dans les rues des grandes villes. Pour quel résultat ? Aucun, si ce n’est de satisfaire l’idéologie sécuritaire sous prétexte de rassurer les populations. Face à la stratégie de Daesh, doit-on mettre des soldats en armes dans chaque concert, dans chaque musée, à chaque terrasse de bistrot ? Face aux attentats de Paris, l’armée a été déployée pour sécuriser la capitale, mais c’est une unité de police qui a été envoyée à l’assaut du Bataclan. Depuis les attentats du 11 septembre à New York, tous les analystes n’ont cessé de répéter que les moyens les plus efficaces contre le terrorisme étaient le renseignement humain et l’infiltration. Dans ce contexte, les mesures annoncées par François Hollande n’ont à peu prêt aucun rapport avec les objectifs fixés. Elles s’inscrivent simplement dans la continuité des politiques sécuritaires de ses prédécesseurs.
Le ton de François Hollande est très guerrier, très martial. Il promet à l’armée de geler les diminutions d’effectifs pour quatre ans et de la réorganiser en fonction des objectifs du moment. Comptons un peu. Où sont les soldats français stationnés en dehors de la métropole ? En Syrie, aux côtés des YPG qui tiennent victorieusement tête à Daesh ? Certainement pas. En dehors de l’opération Barkhane, où 3000 soldats sont effectivement déployés contre les jihadistes dans cinq pays du Sahel, la principale force française en dehors de la métropole est située en Guyane, avec 2200 soldats, soit plus que l’immense équipage du Charles de Gaulle. Comme chacun sait, la Guyane a des frontières communes avec la Syrie… Plus de 7800 soldats stationnent dans les DOM-TOM pour maintenir les derniers restes des colonies françaises. D’autres servent à défendre les investissements des entreprises françaises dans la Françafrique, comme les 900 soldats stationnés au Gabon. Et ainsi de suite… François Hollande peut agiter dans tous les sens les mots de République, de Liberté et de Démocratie, la réalité restera la même : l’armée française sert à maintenir sa puissance néocoloniale, pas à défendre des principes. Pendant ce temps-là, le PKK, dont les YPG sont la branche armée en Syrie, est toujours considérés comme des terroristes dans l’Union européenne, certains de ses militants font toujours l’objet de poursuite en Belgique et en Allemagne, alors que c’est la seule force progressiste qui mène réellement la guerre à Daesh. François Hollande préfère bombarder Raqqa, sans soucis des victimes civiles, plutôt que de financer et de soutenir en armes et en munitions celles et ceux qui combattent réellement Daesh sur le terrain.
Tout le discours de Français Hollande est truffé d’appels à la Droite, jusqu’à la reprises des propositions de Balladur en 2007 pour justifier l’état d’exception prolongé. Il est truffé de concessions aux politiciens les plus racistes, les plus xénophobes, les plus réactionnaires. Son contenu réel n’a pas grand rapport avec la lutte contre Daesh et certaines de ses propositions prêteraient à rire si elles ne portaient pas sur des choses si graves. Quand aux causes du terrorisme, quand aux raisons pour lesquelles de jeunes français deviennent jihadistes, quand aux moyens de le prévenir, il n’en souffle mot. Il ne s’agit pas de faire de l’angélisme, bien au contraire. Pour les communistes-ouvriers, il faut affronter Daesh avec la plus grande détermination. Mais ce n’est pas en luttant contre les réfugiés, en donnant satisfaction aux racistes, en faisant de la démagogie sécuritaire qu’on combat Daesh. Il faut soutenir, financièrement et militairement, les progressistes qui se battent dans tous le Moyen-Orient, en Syrie, en Irak, en Turquie, contre Daesh et ses semblables, pour l’égalité et pour liberté.
Nicolas Dessaux
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