Chliapnikov (1885-1937)

Alexandre Gavrilovich Chliapnikov

Ouvrier métallo depuis l’âge de 13 ans, né à Murom d’une famille pauvre, social-démocrate (membre du POSDR) en 1901, bolchevik dès 1903 (seul grand dirigeant bolchevik à disposer d’une authentique expérience du travail ouvrier en usine). Condamné à deux ans de prison après la révolution de 1905, il émigre en 1908 en Occident, travaille comme tourneur et milite dans le mouvement ouvrier français. Après 1914, il assure liaison et financement des activités en Russie. Homme de confiance de Lénine, il contribue à rallier A. Kollontaï au bolchevisme.

Dirigeant, avec Molotov et Zaloutski, du Bureau russe du Comité Central, il s’oppose en février 1917 à l’armement des ouvriers réclamé par les dirigeants de Vyborg (comme Kaiourov). Il participe à la réunion constitutive du Soviet de Pétrograd le 27 janvier, travaille au retour en Russie des émigrés, s’oppose  à la ligne conciliatrice de Kamenev et Staline et notera dans ses mémoires qu’à son retour en Russie, Lénine était « plus à gauche que notre gauche« .

Président du syndicats des métallos en juillet 1917, il gagne ce dernier au bolchévisme. D’abord Commissaire du peuple au travail, membre de la direction de l’Armée rouge sur le front sud jusqu’en 1920, il fonde l’Opposition Ouvrière (1920-22) avec A. Kollontaï et des dirigeants du syndicat des métallos (Medvedev) et des mineurs (Kisselev), opposition qui monte au créneau contre le projet de militarisation du travail de Trotsky. Au X° Congrès (1921), ses thèses préconisent de confier la gestion de la production aux syndicats (18 voix seulement). Il dénonce une orientation contraire aux intérêts de la classe ouvrière, et déclare notamment : »Eh bien, camarade Lénine, je vous félicite d’exercer la dictature au nom d’une classe qui n’existe plus ! » Lénine condamne les thèses comme déviation syndicaliste [*] et demande son exclusion, qui est refusée par le parti. Il subit une nouvelle brimade en étant reconnu « absolument inapte à assumer dans l’immédiat des responsabilités » par une commission médicale après un examen imposé. En février 1922, Chliapnikov signe la déclaration des 22 par laquelle l’Opposition Ouvrière fait appel auprès de l’Internationale des sanctions prises contre elle. Il prononce un discours ironique et mordant devant le XI° Congrès du PCR (mars 1922) où il déclare le Parti aussi démoralisé qu’en 1907, dénonce la NEP comme anti-ouvrière (« un gouvernement qui coûte moins cher aux paysans« ). Il y cite Frounzé qui « a promis de me convaincre avec une mitrailleuse« … Mais à partir de ce moment l’Opposition Ouvrière, démoralisée, décimée, se dissout. Chliapnikov poursuit ses critiques  (notamment sur les questions économiques, au Comité central en 1923) mais reste à l’écart de l’opposition trotskyste (de son propre chef ou car jugé compromettant par cette dernière selon les sources). Son appartement est plusieurs fois perquisitionné. Kollontaï est envoyée en Norvège, c’est l’époque des affectations diplomatiques des opposants. Lui-même est éloigné à Paris en 1924  comme représentant commercial auprès de l’ambassade, il y fréquente des militants comme Dunois et Monatte. Il participe à l’Opposition unifiée mais « capitule » sous la menace en même temps que Kroupskaïa en 1926. La Guépéou utilise alors notamment contre lui une lettre de Medvedev à ses camarades de Bakou datée de 1924, censée prouvée que l’Opposition ouvrière ne s’était pas dissoute. Président du conseil d’administration de Metal-import (Металлоимпорт) jusqu’en 1929, il se voit reprocher des Mémoires ne mettant pas assez en valeur le rôle de Staline en 1917 (!), est exclu de nouveau en 1933 comme « dégénéré », exilé en Carélie, arrêté en 1935 et en 1936, il est exécuté fin 1937 (la date du 2 septembre ne serait pas certaine), certaines sources ayant évoqué une mort plus tardive par épuisement à l’isolateur de Vierkhné-Ouralsk. Il sera réhabilité  à titre posthume par le régime en deux fois (pour les charges criminelles en 1963, pour la réintégration dans le parti en 1988).

En 1981 a été publié en anglais On the Eve of 1917: Reminiscences and Documents of the Labour Movement and the Revolutionary Underground, 1914-17, livre aujourd’hui épuisé.

[*] « J’ai déjà dit maintes fois que dans les réunions le camarade Chliapnikov et d’autres m’ont reproché de «semer la terreur» avec le mot «syndicalisme». Au cours de je ne sais plus quelle discussion, peut-être bien au congrès des mineurs, j’ai répondu à ce propos au camarade Chliapnikov : « Qui donc voulez-vous duper ?» Nous nous connaissons, le camarade Chliapnikov et moi, depuis de longues années, depuis la clandestinité et l’émigration ; comment peut-il déclarer que je terrorise qui que ce soit quand je définis certaines déviations ! Et que viennent faire ici les «méthodes administratives» lorsque je dis des thèses de 1’«opposition ouvrière» qu’elles sont erronées, qu’elles sont syndicalistes ? Pourquoi la camarade Kollontaï écrit-elle que je lance à la légère le mot «syndicalisme» ? « (Lénine, discours au X° Congrès, 1921)

documents-de-lopposition-ouvriere1926Textes:

édition anglaise de souvenirs sur la période 1914-1917 (1982)

Chliapnikov parmi des ouvriers français (1908-1914)

Voir aussi:

shlyapnikov

2 Réponses to “Chliapnikov (1885-1937)”

  1. L’opposition syndicale russe en 1920 « La Bataille socialiste Says:

    […] de 1919, ce mécontentement avait trouvé un porte-parole particulièrement ferme en la personne de Chliapnikov, qui était alors président du Syndicat des Ouvriers métallurgistes et membre du Coseil central […]

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  2. Contrôle ouvrier et bureaucratie en Russie: Kollontaï et Trotsky (Huhn, 1952) « La Bataille socialiste Says:

    […] appartenait à l’Opposition ouvrière. Un des leaders de cette Opposition ouvrière, Chliapnikov, avait exigé un changement fondamental de “tout le système de contrôle de […]

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