Documentation envoyée par Agustín Guillamón, traduite en français par le CATS de Caen.
Autopsie de Camillo Berneri
« L’autopsie pratiquée sur le cadavre de notre camarade Berneri démontre la facilité avec laquelle oeuvrèrent les assassins pour mener à bien leur exploit. Voyons comment. Le corps présente une blessure par arme à feu avec un orifice d’entrée par derrière la ligne de l’aisselle droite et de sortie au mamelon droit au niveau de la septième côte. Le projectile marque une direction de gauche à droite, DE L’ARRIÈRE VERS L’AVANT ET DE HAUT EN BAS, De même apparaît une autre blessure par arme à feu dans la région temporale-occipitale droite AVEC UNE DIRECTION DE HAUT EN BAS ET DE L’ARRIÈRE VERS L’AVANT. À en juger par la situation des bords des blessures, celles-ci ont été produites à courte distance et à une mesure minimale de 0,75 mètres. Les blessures furent causées l’agresseur étant situé derrière ou sur le coté par rapport à l’agressé, pour ce qui fait référence à la blessure abdominale et sur un plan de supériorité en ce qui concerne celle de la tête [1] ».
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C’est à dire qu’on lui tira un premier coup de feu qui lui traversa la poitrine depuis l’aisselle droite jusqu’au mamelon droit et ensuite, tombé au sol, on lui donna le coup de grâce dans la tempe droite, avec une sortie de la balle par la nuque.
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« Et telle a été la mort du camarade Berneri, au coté de Barbieri. Voici les procédés qui ont été mis en pratique aujourd’hui, comme à la mi-avril furent mis en jeu d’autres analogues pour faire disparaître Mark Rein, le fils du menchevique Abramovih, rédacteur en chef du journal Democratic Kraten. La Police pratiqua alors des gestions pour trouver le disparu. Il n’y eut pas de succès dans celles-ci. Exactement pareil que ce qui arrivera dans ce cas, quand on se lance dans des enquêtes pittoresques sur la mort de ces camarades »[2].
Notes:
[1] Solidaridad Obrera, mardi 11 mai 1937, page 2.
[2] Idem.
L’enterrement de Berneri
En mai 1937 l’édifice de l’Hôpital Clinique hébergeait la Morgue Judiciaire, lieu où l’on conduisait toute personne décédée dans les rues de la ville, en pratiquant une autopsie et en débutant l’enquête judiciaire correspondante, si nécessaire.
Le 4 mai, à 16 heures entrèrent les cadavres de Lorenzo Diperetti et Adriano Ferrari, et à 16h et quinze minutes le cadavre de Marcon Pietro. Le 6 mai, à 6 heures du matin, entrèrent les cadavres de Camilo Verneri et Francisco Barbieri.
À chacun d’entre eux, on donna un numéro d’ordre, et l’on remplit sur la fiche d’entrée les rubriques habituelles.
Lorenzo Diperetti [Lorenzo di Peretti], numéro d’ordre 942-Barcelone, 4 mai, 16 heures, provenant de la Généralité, tribunal numéro 3, médecin légiste qui pratiqua l’autopsie: Dr. Cunillera.
Adriano Ferrari, numéro d’ordre 943-Barcelone, 4 mai, 16 heures, provenant de la Généralité, tribunal numéro 3, médecin légiste qui pratiqua la autopsie: Dr. Cunillera.
Marcon Pietro [Marco Pietro], numéro d’ordre 949-Barcelone, 4 mai, 16 heures et quinze pays, provenant du Paseo de Gracia numéro 14, tribunal numéro 3, médecin légiste qui pratiqua la autopsie: Dr. Cunillera.
Camilo Verneri [Camillo Berneri], numéro d’ordre 1039-Barcelone, 6 mai, 6 heures du matin, provenant du Plaza de la República, tribunal numéro 4, médecin légiste qui pratiqua l’autopsie: Dr. Condemines.
Francisco Barbieri [Francesco Barbieri], numéro d’ordre 1040-Barcelone, 6 mai, 6 heures du matin, provenant des Ramblas, tribunal numéro 4, médecin légiste qui pratiqua l’autopsie: Dr. Condemines.
Quant au lieu de recueil des cadavres des cadavres et étant donné que le Palais de la Généralité est sur la Plaza de la República [Aujourd’hui Plaza de Sant Jaume], on doit constater que trois des cinq cadavres furent recueillis sur cette petite place, où étaient et sont situés les édifices de la municipalité et du gouvernement autonome. Il faut indiquer de plus que la Plaza del Ángel [durant la guerre Dostoievski] est à environ 200 mètres de la Plaza de la República.
11 mai, mardi.
Les Comités Régionaux de la CNT, de la FAI et des Jeunesses Libertaires distribuèrent un manifeste [3] conjoint, dans lequel on faisait le bilan des Journées de mai. Ils qualifiaient de provocation la tentative d’assaut contre l’édifice de la Telefónica par Rodríguez Salas et Artemi Aguadé, « dont le Conseil de la Généralité n’avait pas connaissance ». La responsabilité était donc mise sur ces deux personnes, disculpant ainsi le Gouvernement de la Généralité2. La réponse à cette provocation était considérée comme « spontanée », sans entrer dans des considérations plus profondes.
Les Évènements de Mai se réduisaient à « trois jours de lutte fratricide à Barcelone. Trois jours de chasse à l’homme, systémique et terrible ».
On relatait les assassinats de douze militants de la CNT à San Andrés « emmenés dans une ambulance au cimetière de Sardañola », les cinq hommes de la
ronde d’Eroles (un groupe armé d’enquête), les quinze militants assassinés dans les alentours de Tarragona, le cadavre de l’italien Berneri, pour terminer en regrettant « toutes les victimes d’un coté ou d’un autre ».
On soulignait le danger d’une intervention étrangère, avec la présence dans le port de Barcelone « de six navires français et anglais », durant « le mercredi et le jeudi de la semaine passée ».
La CNT et la FAI « furent contrainte au mouvement par une manoeuvre monstrueuse dans laquelle intervinrent de nombreux acteurs différents dont nous prononcerons les noms, en les accusant avec des preuves, quand l’occasion se présentera ».
On ne tirait pas d’autres leçons que la dénonciation de provocateurs et de provocations à venir, avertissant de cela la force publique et l’UGT, avec un appel à l’unité ouvrière « contre l’ennemi commun, celui de l’intérieur et de l’extérieur, celui du front et de l’arrière».
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Le matin la cérémonie d’enterrement de Domingo Ascaso s’effectua discrètement. Celle de Camillo Berneri se fit l’après-midi. Les autorités d’Ordre Public, secondées par les recommandations à la concorde des comités supérieurs de la CNT, avaient interdit les cortèges funéraires pour ne pas enflammer les esprits. Défiant cette interdiction, les cadavres des militants anarchistes italiens Camillo Berneri, Francesco Barbieri, Adriano Ferrari, Lorenzo di Peretti et Marco Pietro1 furent accompagnés, depuis l’Hôpital Clinique jusqu’au cimetière de Sants, par un défilé de plusieurs milliers de compagnons et d’amis, emmené par le drapeau noir du Groupe allemand DAS [4] . Il y avait cinq chars funèbres, tirés chacun par deux chevaux.
<Les rédacteurs de Guerra di classe signalèrent la présence, depuis le début, de la compagne de Barbieri et l’intégration, par la suite, en pleine rue, de la compagne et de la fille de Berneri, arrivées en auto depuis la frontière de Port-Bou. « Il n’y eut aucun discours », ni d’autres hommages que celui du drapeau noir incliné sur les cinq cercueils [5], et le jour suivant ils furent inhumés dans les différentes fosses assignées, dont la section italienne de la CNT était titulaire.
Le 30 décembre 1940 les restes de Marco Pietro et Francisco Barbieri furent transférés à la fosse commune du cimetière de Sants. Le 7 novembre 1941 il se produisit la même chose avec les restes d’Adriano Ferrari et Lorenzo di Peretti. Finalement les restes de Camilo Berneri furent transférés dans la fosse commune de ce cimetière le 16 novembre 1951.
Agustín Guillamón.
Traduction du CATS de CAEN
Notes:
[1] CNT-FAI-FIJL-AIT: « Las organizaciones regionales de Cataluña afectas a la CNT, FAI y FIJL a la opinión pública ». Manifeste/Feuille volante. [AEP- C 606].
[2] Il est suffisamment prouvé de manière documentée que l’ordre d’occuper l’édifice de la Telefónica provenait du Président de la Généralité, et qu’il n’avait pas été approuvé par le Conseil, dans lequel il y avait une participation cénétiste.
[3] Lettre à l’auteur des Cimetières de Barcelone (9 octobre 2013), qui rectifie le nom erroné publié dans Guerra di classe: « Pietro Macon ».
[4] Nelles, Piotrowski, Linse et García: Antifascistas alemanes en Barcelona (1933-1939). Sintra, Barcelone, 2010, p.353, note 12. Également dans Guerra di classe (25 mai 1937).
[5] Guerra di classe (25 mai 1937), couverture.
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