A la recherche de l’unité d’ation (Pivert, 1934)

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Tribune libre de Marceau Pivert parue dans Le Populaire du 1er mai 1934.

De nombreux camarades de province nous interrogent sur nos négociations en vue de l’unité d’action dans la région parisienne.

D’autres, plus proches de nous, expriment leurs inquiétudes: N’avons-nous pas trop engagé nos fédérations de la Seine et de la Seine-et-Oise ? Comment s’obstiner à rechercher l’accord avec des insulteurs systématiques ou des manoeuvriers qui veulent détruire nos organisations, fruits de tant de sacrifices ?

Un peu de clarté, quelques précisions objectives, sont donc utiles, aussi bien pour l’intérieur que pour l’extérieur.

D’abord un postulat. Nous sommes au début d’une bataille de classe décisive. Et toutes les forces de classe du prolétariat sont nécessaires, côté à côté, coude à coude, face à l’ennemi commun.

Mieux: La victoire ne sera vraiment assurée que si le bloc prolétarien peut entraîner dans son élan offensif des couches sociales intermédiaires, hésitantes, inquiètes, dressées contre la brutalité fasciste, et conscientes que le socialisme représente pour l’ensemble des hommes la seule issue acceptable.

Conséquences: L’Unité d’action exige la collaboration fraternelle des différentes fractions du mouvement ouvrier, faisant abandon de toute prétention d’hégémonie.

2° Et l’unité d’action prolétarienne doit savoir s’allier des forces précieuses attirées vers la Révolution, mais qui ne s’engageront dans la lutte que si on ne les oblige pas à n’y venir que pour arbitrer des querelles.

Telles sont les principes de notre action dans la région parisienne, en accord avec les décisions régulières du Parti.

Nous avons donc négocié avec l’Union des syndicats confédérés, la 20° région de la C.G.T.U., la région Paris-Ville du P.C. Nos démarches n’ont été no totalement satisfaisantes, ni totalement infructueuses. C’est à une séance en commun avec la 20° région unitaire et le P.C. que nous avons examiné l’idée d’une manifestation devant l’Hôtel de Ville. Notre délégation avait spontanément fixé « aux environs du 20 avril » cette manifestation. Le Comité régional d’Amsterdam-Pleyel avait aussi choisi cette date. Nos deux fédérations s’y sont ralliées: Nos camarades ont répondu à notre appel. Nombreux ont été les militants socialistes arrêtés ou matraqués au cours de cette première expérience. La preuve a été faite, une fois encore, que nous avions besoin de toutes nos forces, d’une meilleure coordination, et d’une meilleure préparation psychologique. Des affiches attaquant le Parti et la C.G.T. avaient été collées au moment même de l’appel au rassemblement. Des articles de l’Humanité ont même révolté et découragé des ouvriers socialistes au point que « malgré les chefs » (!) des militants, parmi les plus dévoués et les plus combatifs ont préféré rester chez eux. Symptômes graves, que nous avons fait connaître aux responsables, lors d’une récente délégation. De ce côté, il n’y a plus une faute à commettre !

Mais en dépit de cela, nous avons néanmoins continué nos efforts !

Nous appellerons donc nos camarades à la manifestation du 20 mai, décidée par le Comité d’Amsterdam-Pleyel. Le centre de liaison des forces antifascistes adressera le même appel, et l’on comprendra tout l’intérêt de ce bloc de signatures.

Qu’on nous entende bien: il s’agit d’une manifestation de rue. Nous voulons être à notre place de combat. Quant au rassemblement intérieur, en forme de « congrès », préparé par le mouvement d’Amsterdam, nous ne pouvons y songer. Notre volonté de discipline autant que notre souci de travailler efficacement à la lutte antifasciste nous interdisent d’y songer un seul instant. Il faut que nos camarades, tous nos camarades (ceux du dehors et ceux du dedans) en prennent leur parti: nous savons (on nous a avoué !) l’intention de subordonner notre action antifasciste au Comité d’Amsterdam tel qu’il est constitué actuellement. C’EST IMPOSSIBLE. Ce qu’il faut rechercher, c’est un changement de structure de ce Comité, plaçant à sa tête, par tiers, les délégués réguliers des trois grandes forces dont la conjonction est nécessaire:

1. C.G.T. et  Parti socialiste S.F.I.O.;

2. C.G.T.U. et Parti communiste;

3. Autonomes, anciens combattants, intellectuels, comités antifascistes de toutes sortes.

Mais il faut pour cela que le Parti communiste abandonne sa prétention d’être LE SEUL PARTI QUALIFIE pour diriger la bataille et par la suite, de démolir nos organisations. Je n’insisterai pas sur certaines de ses erreurs tactiques, qui ne justifient pas spécialement cette prétention. Ce qui est certain, c’est qu’elle est matériellement irréalisable. Nous avons, quant à nous, un dessein plus modeste: être le lien entre des formations antifascistes qui n’en sont encore qu’aux premiers balbutiements de la réplique agressive dont nous devrions être capables, avec un peu de méthode. C’est pourquoi nous considérons que les camarades, ou même les sections qui adhèrent à Amsterdam ne travaillent pas dans le sens de la véritable unité d’action.

Faire en sorte que le Parti, tout entier, accepte de coordonner ses efforts avec ceux des autres groupes antifascistes, d’une part; s’employer, d’autre part, pour qu’on le considère comme un des piliers de l’action de classe, et qu’on le respecte; c’est bien plus important que donner une adhésion partielle au mouvement d’Amsterdam. Écrire cela, ce n’est pas combattre un mouvement qui a incontestablement une base populaire dans certaines régions, car cela ne s’adresse qu’à nos militants du Parti, et le champ des inorganisés est encore immense. Mais c’est donner le moyen à ce mouvement de trouver les meilleurs formes de travail en commun, sans arrière-pensée de manoeuvre.

Au surplus, nous avons fait la preuve, par l’expérience, de notre volonté de réaliser le coude à coude. Nous l’avons faite le 20 avril, nous la ferons le 20 mai. Nous espérons qu’à son tour, et sans hésitation, le Comité d’Amsterdam se joindra à notre cortège, le 27 mai, quand nous irons au Mur des Fédérés, pour affirmer aux victimes inoubliées que l’heure de la revanche prolétarienne approche.

Marceau PIVERT.

Manifestation du 20 avril 1934

Manifestation du 20 avril 1934