Autobiographie d’Alexandre Bogdanov

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Notice extraite de l’encyclopédie Granat (Moscou, 1927), traduite une première fois dans Les bolcheviks par eux-mêmes (Haupt & Marie, 1969) puis dans La science, l’art et la classe ouvrière (Bogdanov, 1977).

Alexandre Alexandrovitch Bogdanov (Malinovski) (autobiographie)

Je suis né le 10 août 1873, le second de six enfants. Mon père, d’abord maître d’école, devint rapidement instituteur-inspecteur de l’école de la ville. Grâce à quoi, dès l’âge de 6 ou 7 ans, je pus avoir accès à la bibliothèque de l’établissement et ensuite à son petit cabinet de physique. J’étudiais au lycée de Toula. Boursier et interne, je vivais dans des conditions qui ressemblaient fort à celles des prisons et des casernes. C’est là que l’expérience de la méchanceté et de la stupidité de la direction me poussa à combattre et à haïr les détenteurs du pouvoir et à nier l’autorité. Mes études terminées avec la médaille d’or, j’entrai à l’université de Moscou pour y étudier les sciences naturelles. je fus arrêté en décembre 1894 comme membre du Comité d’union des « amicales » et déporté à Toula, où l’ouvrier armurier I.I. Savelevitch m’entraîna dans les cercles clandestins comme propagandiste. V. Bazarov et I. Stépanov m’y rejoignirent bientôt. En 1896, je passai des idées populistes du mouvement « Narodnaïa Volia » à celles des Social-Démocrates et, à partir des conférences faites dans les cercles  j’écrivis le Manuel abrégé de science économique. Ce livre fut publié sous une forme mutilée par la censure à la fin de 1897. Lénine le salua chaleureusement dans son compte rendu dans Mir Boji, 1898, numéro 4.

Je passai une partie de l’automne 1895 à Kharkov comme étudiant à la Faculté de médecine. J’y fréquentai les cercles de l’intelligentsia social-démocrate, dirigés par Revanine. Je m’en séparai cependant pour une question concernant la morale à laquelle ils donnaient une signification indépendante. En 1898, désirant donner une réponse aux nombreuses questions de nos travailleurs sur la conception générale du monde, j’écrivis mon premier livre philosophique Eléments fondamentaux d’une vision historique de la nature. En automne 1899 je terminai l’université. Ensuite, je fus arrêté pour mes activités de propagandiste. Six mois de prison à Moscou, déportation à Kalouga, puis trois ans à Vologda. J’écrivais et j’étudiais beaucoup. En 1902, je préparai et je rédigeai un recueil contre les idéalistes, Étude sur la conception du monde réaliste. Je fus six mois médecin dans un hôpital psychiatrique. A partir de fin 1903, je rédigeai la revue marxiste Pravda, publié à Moscou.

En automne 1903, j’adhérai au bolchévisme. Après ma période d’exil, au printemps de 1904, je pars rejoindre Lénine en Suisse. A la réunion des 22, je suis élu au buireau des comité de la majorité, le premier centre bolchevik. A peu près à la même époque, je suis exclu pour la première fois du « marxisme » par l’Iskra menchevique (un des articles d’« Orthodoxe » m’accusant d’idéalisme philosophique dans le numéro 70). A l’automne, je rentre en Russie etr à partir de décembre 1904, je travaille à Pétersbourg au bureau des comités de la majorité et au comité local. je prépare les tracts sur l’insurrection armée et sur la convocation du congrès du parti, ainsi que la plus grande partie des autres tracts du bureau. Au printemps de 1905 se tient le congrès de Londres, III° congrès d’orientation bolchevik. Je rapporte sur les problèmes de la « révolte armée » et les questions d’organisation. Je suis élu au premier comité central bolchevik. Je retourne travailler à Pétersbourg à la rédaction du journal bolchevik Novaia Jizn. Je représente le C.C. au soviet des députés ouvriers, et c’est là que je suis arrêté le 2 décembre 1905. Je suis libéré sous caution en mai et retrouve le C.C. sous l’influence des mencheviks.

Exilé à l’étranger, je rentre clandestinement en Russie et vis à Kuokkala, avec Lénine. Je collabore à divers organes bolcheviks et travaille aussi dans les fractions social-démocrates des 1°, 2° et 3° Douma. Je suis d’abord pour le boycottage de la 3° Douma, mais, après la décision prise par la Conférence du parti de ne pas la boycotter, je dirige dans Vperiod, journal clandestin des ouvriers dont je suis le rédacteur en chef, la campagne électorale.

Je suis envoyé à l’étranger à la fin de 1907 pour diriger avec Lénine et Innokenti le Proletarii, organe bolchevik. Au cours de l’été 1909, je suis, avec Krassine, écarté du centre bolchevik comme bolchevik de gauche. Je suis également écarté du C.C. du parti en janvier 1910, lors de l’union des fractions menchevik et bolchevik. Je prends part à l’organisation des deux premières écoles du parti destinées aux ouvriers. L’une à Capri, à l’automne de 1910, l’autre à Bologne. C’est en décembre 1909 que je présente la plate-forme du groupe bolchevik, qui prend le nom de Groupe littéraire Vperiod. Cette plate-forme,  » Position actuelle et tâches du parti « , formule pour la première fois le mot d’ordre de culture prolétarienne. J’abandonne le groupe  » Vperiod  » au printemps de 1911 lorsqu’il quitte le terrain de la propagande culturelle pour celui de la politique. Jusqu’à la révolution, j’écris seulement des articles de propagande dans la Pravda et autres organes ouvriers.

Je reviens en Russie en 1914 et suis envoyé sur le front comme médecin. J’y écris des articles de propagande. Dans l’un d’eux, en janvier 1918, je fais le « diagnostic » du communisme de guerre.  Je me consacre ensuite totalement au travail scientifique et culturel dans le « Proletkult » (culture prolétarienne) à l’université populaire, etc. En automne 1921, j’abandonnai mes activités au « Proletkult » et m’adonnais définitivement à mon travail scientifique. Depuis 1918, je suis membre de l’Académie communiste (anciennement socialiste).

Mes principaux écrits :

1. Concernant l’économie politique. — Manuel abrégé de science économique, le premier manuel écrit d’un point de vue historique (les dernières éditions ont été revues et augmentées en collaboration avec Dvolaitski) ; a été traduit en anglais et en d’autres langues. Cours initial d’économie politique sous forme de questions et de réponse; le grand cours d’économie politique: Cours d’économie politique, ayant comme co-auteur I.I. Stepanov. L’étude « L’Échange et la technique », écrite en 1903, et parue dans le recueil Essais sur la conception réaliste du monde, première tentative de prouver la théorie de la valeur du travail en la fondant sur le principe de l’équilibre.

2. Concernant le matérialisme historique. — La science de la conscience sociale est un exposé historique du développement de l’idéologie, notamment les formes de la pensée, en expliquant leur genèse à partir des rapports de production (le livre a été traduit en allemand) ; De la psychologie de la société est un recueil d’articles des années 1902-1906 ; « Les principes organisationnels de la technique sociale et l’économie » (dans Vestnik Sotsialistitcheskoï Akademii, 1923, n° 4) est une explication des formes de la coopération à travers les rapports techniques.

3. Concernant la philosophie. — Les volumes I-III de L’empiriomonisme, 1903-1907, donnent une image du monde du point de vue organisationnel, c’est-à-dire en tant que processus de formation, de lutte et d’action réciproque des complexes et des systèmes de différents types et des diverses étapes de l’organisation. La philosophie de l’expérience vivante, 1911, est un aperçu du développement des divers systèmes réalistes dans la philosophie, jusqu’à l’empiriomonisme. Du monisme religieux au monisme scientifique est un exposé des raisons qui fondent le monisme scientifique, qui élimine la philosophie en général (l’exposé était annexé à la 3e édition de la Philosophie de l’expérience vivante).

4. Concernant la science de l’organisation. — La science générale de l’organisation: la tectologie, volumes I-III parus en 1913-1922, est le développement de la science générale des formes et des lois de l’organisation de toutes sortes d’éléments de la nature, de la pratique et de la pensée (la première partie vient de paraître en Allemagne) ; « Les principes du plan économique unifié », dans la revue Vestnik Trouda, 1921, n° 4-6, ainsi que « Le travail et les besoins du travailleur », dans la revue Molodaïa Gvardia, 1922, n° 3, sont l’application des lois d’organisation à la solution des problèmes d’ordre économique. « La compréhension objective du principe de la relativité », paru dans Vestnik Kommunistitcheskdi Akademii, 1924, n° 8.

5. Concernant la culture prolétarienne. — Le monde nouveau, articles des années 1904-1906, est un essai de vulgarisation des caractéristiques du type supérieur de la vie culturelle ; Les tâches culturelles de notre temps, en 1911, développe le programme de la culture prolétarienne ; L’art et la classe ouvrière (traduit en Allemagne) ; Le socialisme et la science : les buts scientifiques du prolétariat, études sur la science prolétarienne (traduit partiellement en Allemagne) ; Les éléments de la culture prolétarienne dans le développement de la classe ouvrière est une analyse historique de la genèse de la culture prolétarienne. Sur la culture prolétarienne est un recueil d’articles des années 1904-1924. Ajoutons, sur ce thème, les deux romans: L’Étoile rouge, 1907 (utopie traduite en français, allemand, etc.); L’ingénieur Menni, roman fantastique, 1912, donnant un tableau du heurt entre la culture prolétarienne et la culture bourgeoise.

J’ai encore publié plusieurs autres ouvrages, des dizaines d’études, des brochures et des conférences et un grand nombre d’articles dans les journaux et de tracts, notamment du genre propagandiste.

Voir aussi:

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L’Ere du capital commercial (Bogdanov et Stepanov, 1926)