1930-07 Préface à la Réponse à Lénine de Gorter [GOC]

(Inédit de la BS. Merci de signaler la source en cas de reprise).

Juillet 1920

En 1920, Révolution russe et Léninisme étaient parvenus à leur apothéose: le succès de la tactique bolchévique dans la révolution d’octobre avait ébloui l’esprit des élites révolutionnaires dans les pays occidentaux, qui regardaient vers l’orient avec une foi presque aveugle. Une grande vague révolutionnaire ébranlait l’Europe, l’armée rouge de Toukhatchevski menaçait Varsovie, le prolétariat allemand était prêt à s’élancer dans la mêlée, le prolétariat italien occupait les usines, partout la classe ouvrière était en ébullition. L’espoir, la presque certitude de la victoire révolutionnaire éclairaient l’horizon de l’idéologie communiste. Ce fut dans ce milieu historique, où l’esprit d’analyse était forcément affaibli par la splendeur de la lumière orientale, que Hermann Gorter, théoricien et poète du communisme, s’empara de l’arme de la critique.

Lénine devenu homme d’Etat, d’un Etat qui devait dans la suite devenir l’Etat de la néo-bourgeoisie russe, avait écrit un mauvais livre: « L‘Extrêmisme, maladie infantile du communisme« . La pointe de cette brochure, qu’aujourd’hui, nous pouvons à bon droit qualifier nettement de contre-révolutionnaire, était dirigée principalement contre les ultra-gauches allemands, c’est-à-dire contre le Parti Communiste Ouvrier.

Cette élite de révolutionnaires marxistes qui conserva et conserve encore au prolétariat allemand et international la tradition révolutionnaire de l’Union Ouvrière et du Spartakusbund, préconisait au sein de la classe ouvrière d’Allemagne une tactique, une méthode d’action, inspirées par les dernières expériences de la lutte de classe en occident: Elle préconisait la lutte sans compromis du prolétariat contre la bourgeoisie, le boycottage du parlement et la destruction des syndicats en même temps que tout l’appareil étatique du capitalisme, lui opposant la dictature du prolétariat dans la forme des conseils d’usines. Cette manifestation idéologique originale du prolétariat allemand ne se localisait pas en Allemagne. Des manifestations analogues prenaient forme en Hollande, avec les Tribunistes, en Angleterre, avec les fondateurs du Parti communiste anglais, en Italie, avec la fraction anti-parlementariste de Bordiga et même avec celle de l’Ordine Nuovo de Turin, qui était aussi anti-parlementariste. Le livre de Lénine et l’action subséquente du Léninisme visaient à la destruction de ce développement idéologique, légitimé par les expériences de la lutte de classe dans l’Europe occidentale.

En fait l’offensive contre la gauche donna des résultats favorables en Italie et en Allemagne, où Bordiga et Pankhurst rentrèrent dans les rangs du Léninisme. Les tribunistes hollandais, Gorter et Pannekoek, les éléments du Parti Communiste Allemand (K.A.P.D.) restèrent seuls sur la brêche de l’internationalisme marxiste. Gorter au nom du Parti Communiste Ouvrier d’Allemagne répondit à la « Maladie infantile » de Lénine par sa « Lettre ouverte » qui malheureusement ne fut pas en son temps placée devant tout le prolétariat international. Cette lettre est bien connue en Allemagne, mais le prolétariat français en ignore encore l’existence. Et comme depuis dix années ce document n’a rien perdu de son intérêt, qu’il a au contraire acquis une valeur historique et révolutionnaire encore plus grande, nous allons faire tous nos efforts pour qu’il soit connu au moins de l’avant-garde du mouvement ouvrier en France.

Les Groupes Ouvriers Communistes.

Juillet 1930.