Fugère (1900-1963)

Marie-Gabriel Fugère

(Pseudo pendant la guerre: Sauvaget)

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Chef monteur électromécanicien à Villeurbanne, responsable des groupes socialistes d’entreprise de la métallurgie lyonnaise, Fugère milite dans la tendance Gauche Révolutionnaire (GR) de la SFIO et devient en 1938 secrétaire fédéral du Parti Socialiste Ouvrier et Paysan (P.S.O.P.).

Dès 1940 il organise le mouvement de résistance l’Insurgé qui publie un journal à partir de mars 1942: « Nous avons conçu la Résistance essentiellement dans un but d’évolution du monde ouvrier et pour la construction d’une Europe socialiste » dira-t-il. Le groupe s’étoffe rapidement, s’appuie notamment sur un groupe de passeurs espagnols dirigé par Rovira, du Parti Ouvrier d’Unification Marxiste, domicilié à Lyon. Il reste en contact avec Marceau Pivert (qui présente l’Insurgé à la Foire internationale du Livre de Mexico).

Arrêté le 10 septembre 1943 à Montpellier et déporté à Buchenwald, Fugère y passe 16 mois. A son retour il fonde les Amis de l’Insurgé. Il rassemble des textes et documents qui sont publiés après sa mort dans le Mémorial de l’Insurgé (Imprimerie nouvelle lyonnaise, préface de F. Rude).

Paru dans la Révolution prolétarienne en 1963:

 

Aux anciens de l’Insurgé

SAUVAGET (Fugère) EST MORT

Il s’en est allé pour la seconde fois. Comme le jour de son arrestation à Lyon, puis de sa déportation à Buchenwald, il a été surtout préoccupé de son œuvre et tellement peu de ses souffrances.

Quand il fut emmené au camp de la mort, le réseau de secours qu’il avait prévu fonctionna si bien que « L’Insurgé » continua sans à-coup et que nous n’apprîmes que bien plus tard le calvaire de Sauvaget. Nous savions sa santé fragile, gravement ébranlée par son séjour au camp. Mais il n’avertit personne de sa dernière et lente agonie. Nous ne l’apprenions que bien après sa mort, par Daniel Guérin, son compagnon du Front Ouvrier International, avec Marceau Pivert.

J’avais essayé dans un roman publié par la presse locale de conter l’histoire de son entreprise. Elle paraissait si extraordinaire qu’elle ne put servir que d’ossature à un roman d’aventures d’aspect imaginaire. Encore maintenant l’œuvre de ce militant ouvrier qui étonna Albert Camus, alors responsable de « Combat », nous stupéfie. Il faudra une autre voix que la mienne pour dire comment il réussit à mettre sur pied avec les seuls moyens d’un tout petit groupe authentiquement ouvrier « l’Insurgé » clandestin dont la raison d’être fut, « Libérer, fédérer ». Comment il réussit à regrouper ensuite avec les points d’appui principaux du Rhône, de la Loire, de l’Isère et de l’Hérault dans tout le Sud-Est une série de noyaux socialistes révolutionnaires, syndicalistes, trotskystes, École émancipée, libertaires et anarchistes français espagnols, italiens, dans le réseau Alphonse Buck master.

Fugère Marie Gabriel, notre Sauvaget, est décédé à son domicile du 2, rue Valfenière à Lyon. Sans vouloir attirer l’attention sur lui. il consacra ses dernières forces à la mise en ordre des archives de « l’Insurgé ». Il laissa sa compagne, sa collaboratrice qui fut aussi sa dernière et douloureuse infirmière dans un dénuement proche de la misère. Daniel Guérin, s’occupe de trouver à Lyon les camarades qui devraient assurer le sauvetage des archives qui sont une page de l’histoire ouvrière française et du geste de reconnaissance qui s’impose, et qui, lui, devrait s’organiser sur le plan national.

Pour un groupe Loire d’anciens amis de « l’Insurgé » et de Front Ouvrier International.

Jean DUPERRAY.

Textes:

Réponses à un questionnaire sur l’Insurgé (1960) pdf

3 Réponses to “Fugère (1900-1963)”

  1. « L’Insurgé » dans le Languedoc « La Bataille socialiste Says:

    […] de notre tendance dont le centre était à Lyon; c’est lui qui me mit en rapport avec Fugère. Peu de temps après, je reçus une première visite, suivie de bien d’autres, de Duprat, […]

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  2. L’Insurgé : un mouvement socialiste sous l’occupation « La Bataille socialiste Says:

    […] est un petit mouvement de Résistance qui étonne. Créé par Marie-Gabriel Fugère, ex-secrétaire fédéral du Rhône et de la Loire du P.S.O.P., parti scissionniste de Marceau […]

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  3. lucien Says:

    Notice biographique dans le Maitron:

    FUGÈRE Marie-Gabriel. Pseudonyme dans la clandestinité : SAUVAGET
    Né le 31 décembre 1900 à Toulon-sur-Arroux (Saône-et-Loire) ; mort le 27 septembre 1963 à Lyon Ier arr. (Rhône) ; chef monteur électromécanicien à l’usine CEM (Compagnie électromécanique) de Villeurbanne (Rhône) ; syndicaliste CGT et militant socialiste SFIO du Rhône et de la Loire, secrétaire fédéral du Parti socialiste ouvrier et paysan Rhône-Loire en 1938, après le départ de la gauche révolutionnaire de la SFIO ; organisateur du mouvement de résistance « L’Insurgé », déporté.

    Membre de la fédération socialiste du Rhône, Marie-Gabriel Fugère, d’abord secrétaire du groupe socialiste d’entreprise des usines de la place de la Buire à Lyon, se vit confier la direction de l’ensemble des groupes d’entreprises de la métallurgie lyonnaise (1500 adhérents). Il militait en outre à la CGT.

    Au sein de la SFIO, il rallia le courant de la Gauche révolutionnaire animé par Marceau Pivert*, avec qui il conserva des contacts, même après son départ pour Mexico. Après la dissolution de la fédération socialiste de la Seine, le congrès de Royan (juin 1938) et la Conférence de Munich, il organisa, dans le Rhône et la Loire, le petit PSOP dont il devint le secrétaire fédéral.

    Au lendemain de l’effondrement de la IIIe République et peu de temps après l’entrevue de Montoire, il entreprit de constituer avec un groupe d’amis politiques un mouvement de résistance qu’il nomma, par référence à Jules Vallès, « L’Insurgé », appuyé par un journal clandestin éponyme. Il choisit alors le pseudonyme de Sauvaget.

    Marie-Gabriel Fugère bénéficia dans sa tâche de l’aide de Maurice Zévaro*, un étudiant en droit, ex-responsable des Jeunesses du PSOP, théoricien marxiste, mais aussi de l’avocat Pierre Stibbe*, de Suzanne Nicolitch-Allamercery*, de Gaspard Foray*, de Louis Seurre*, de F. Barboyon, de Poncet, de Mascaras Guillot, de Mme Cottin* et de Marin*.

    La première action du groupe consista dans la diffusion d’une lettre au président Roosevelt remise à l’ambassade des États-Unis le 31 janvier 1941 et connue sous le nom de Lettre des Francs-maçons lyonnais à Roosevelt (le groupe avait utilisé pour cette action une couverture maçonnique).

    Le numéro 1 de L’Insurgé parut en mars 1942 et le mouvement se dota d’un comité central qui réunissait deux anciens militants du PSOP et deux militants socialistes. Des groupes furent mis en place dans les quartiers de la Croix-Rousse, de Vaise, de Lyon centre et de la rive gauche du Rhône et dans certains établissements : furent organisées : la Compagnie électromécanique, Zénith, Rochet-Schneider, les usines Lumière, l’hôpital de Grange-Blanche.

    « Nous avons conçu la Résistance essentiellement dans un but d’évolution du monde ouvrier et pour la construction d’une Europe socialiste », dira Marie-Gabriel Fugère à propos de l’action de L’Insurgé. Le n° 1 du journal, tiré chez l’imprimeur Martinet, alias Dupont, 5 rue Migart à Villeurbanne, fut diffusé à l’intérieur de la Bourse du Travail de Lyon ; le n° 7 portait la mention « organe socialiste de libération prolétarienne » (septembre 1942). En novembre 1942, le n° 10 inaugura une rubrique « CGT journal, pour la liberté française et européenne, pour la reconstruction du syndicalisme mondial » qui devint, en mai 1943 avec le n° 15, « Le Peuple syndicaliste (fondé par des syndiqués militants de la CGT). »

    Le numéro 1 (mars 1942) était d’une facture essentiellement lyonnaise et il portait en exergue « Liberté, égalité, mort aux tyrans », mais surtout la devise des Canuts « Vivre en travaillant ou mourir en combattant » ; il s’intitulait alors, organe de libération ouvrière et paysanne mais rappelait avec force les insurrections lyonnaises de 1831, 1834 et 1871.

    Cependant, le groupe initiateur ne tarda pas à s’étoffer et à rayonner. Des noyaux furent implantés à Trévoux (Ain) avec le père de Suzanne Nicolitch-Allamercery, à Bourg et Miribel (Ain) avec Alain Mercier, l’instituteur Julien Godard, et un Italien Joseph Bogoni, à Saint-Étienne (Loire) avec Roger Arnaud du syndicat CGT des municipaux, J. Duperray* et R. Garaud*. Au congrès des relations personnelles, des contacts furent noués dans l’Hérault (Valière, secrétaire du syndicat des instituteurs), à Montpellier (le professeur Louis Trégaro), à Clermont-Ferrand (Gilles Martinet), en Avignon, à Grenoble et Annecy. L’Insurgé put en outre s’appuyer sur un groupe de passeurs espagnols dirigé par Rovida, ancien commandant de brigade du Parti ouvrier d’unification marxiste (POUM), domicilié à Lyon : ainsi le n° 10 du journal (novembre 1942) figura-t-il – par les soins de Marceau Pivert*, correspondant international de l’Insurgé – à la foire du Livre de Mexico.

    Des négociations en vue d’une fusion avec d’autres mouvements furent d’autre part engagées – sans résultat – avec André Philip*, au 142 rue de Créqui, le 18 mars 1942, jour de la manifestation contre le concert de la Philharmonique de Berlin à l’Opéra de Lyon ; avec Raymond Aubrac qui traita de « communistes de 1930 » ses interlocuteurs ; avec un représentant de « Combat ». Par contre, en mars 1944, des contacts avec le mouvement Libérer-Fédérer de Toulouse (Jean Cassou et Pierre Bertaux) aboutirent, donnant naissance au Mouvement révolutionnaire socialiste. En avril-mai 1944 parut un journal clandestin commun : « L’Insurgé-Libérer-Fédérer » à Lyon (n° 24 de l’Insurgé) et Libérer-Fédérer-L’Insurgé à Toulouse (n° 15-16 de Libérer-Fédérer).

    Mais, à ce moment, Marie-Gabriel Fugère ne présidait plus aux destinées de L’Insurgé. Le mouvement avait été éprouvé par une répression efficace à partir de juillet-août 1943.

    Marie-Gabriel Fugère fut arrêté le 10 septembre 1943. Francis Barboyon (alias Lacroix), militant SFIO, aide à la pharmacie de l’hôpital de Grange-Blanche, syndiqué CGT et ancien membre du groupe socialiste d’entreprise de l’hôpital, secondé par Poncet – alias Jean Paul* –, assura jusqu’à la Libération la parution de L’Insurgé (25 numéros au total). Un petit congrès clandestin du mouvement se tint à Villeurbanne en octobre 1943 pour réorganiser la direction et repenser les orientations.

    Après son arrestation à Montpellier le 10 septembre 1943, Marie-Gabriel Fugère fut déporté à Buchenwald où il survivra à seize mois de tourments. À son retour, il fonda les « amis de L’Insurgé », organisation qui fusionna avec les « anciens du réseau Buckmester » dans « l’Union fraternelle de la Résistance ».

    Officier de la Légion d’honneur, Marie-Gabriel Fugère fut, jusqu’à sa mort, membre de la commission d’histoire de la guerre 1939-1945 du département du Rhône.
    SOURCE : Mémorial de l’Insurgé, Imprimerie Nouvelle lyonnaise (1968). À compte d’auteur. Présentation de F. Rude.

    Maurice Moissonnier

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