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Qui a entraîné la France dans la guerre ? (1916)

15 septembre 2015

Centenaire 1914-1918

Tract du Comité pour la reprise des relations internationales aux délégués du Congrés National du Parti socialiste du 25 décembre 1916. Les images, qui ne sont pas de bonne résolution, sont extraites des archives J. Guesde à l’IISH d’Amsterdam.

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Voir aussi :

Pourquoi nous quittons le Parti S.F.I.O. (1938)

20 mars 2009

Extrait des Cahiers rouges N° 12 (juin-juillet 1938).

Beaucoup ne comprennent pas, ou feignent de ne pas comprendre. Expliquons-nous donc clairement.

1° La question de la Seine

Cette question a joué un rôle important dans les événements qui nous ont amenés à notre décision, parce que nous étions solidaires de Marceau Pivert et de ses camarades, mais elle avait surtout une valeur d’indication, de symbole en quelque sorte.

En effet, si on laisse de côté la lettre privée (et d’ailleurs innocente) de Marceau Pivert, lettre dont l’utilisation suffit à disqualifier la Commission des conflits, nos camarades ont été frappés (d’une suspension sans appel) pour l’envoi d’un tract à l’intérieur du Parti, alertant les militants, en vue d’un prochain congrès, sur les dangers de la tentative faite par Léon Blum en mars dernier.

C’est un cas-type de la suppression de la démocratie à l’intérieur du Parti, de l’interdiction de la libre critique. Et cela est déjà d’une importance très grave.

Passons sur certaines… anomalies: des camarades ont été frappés alors qu’ils n’avaient été entendus que comme témoins! Quand on est décidé à empêcher l’expression de certaines idées, on ne s’embarasse pas de scrupules de ce genre.

Mais la Fédération de la Seine s’étant presque unanimement déclarée d’accord avec son bureau et ayant demandé la suspension des sanctions jusqu’au Congrès, la Fédération est dissoute vingt-quatre heures après, sans aucune tentative de conciliation; cas unique dans l’histoire du Parti!

Le but de l’opération est clair: décapiter la G.R. avant le Congrès de Royan, lui enlever 433 mandats qui pourraient, comme cela s’est déjà fait, mettre le Secrétaire général en difficulté.

Et pour être sûr qu’on sera bien débarrassé de ces gêneurs, on ne se contente pas d’exiger, pour entrer dans la nouvelle Fédération, un serment de soumission à la décision de la Commission des conflits, mais on refuse d’admettre le serment de ceux qui sont connus comme G.R.!

C’est ce qui permettait à la Fédération de la Haute-Vienne, où il n’y a pas de tendance G.R., de parler, dans sa motion d’une « volonté d’épuration systématique« .

On pouvait espérer, après cela, que le Congrès de Royan s’insurgerait contre ces méthodes; mais la bureaucratie avait bien pris ses précautions.

A notre désir de conciliation répondit une volonté réelle de laisser hors du Parti la Fédération de la Seine, dont on fit le procès (et en quels termes!) sans que ses représentants soient admis à se défendre.

Blum se lamenta, mais ne voulut rien faire. Arnol, Lebas, et Paul Faure furent aussi violents que possible, P. Faure reconnut que depuis longtemps il voulait exclure la G.R. La motion de conciliation de la Haute-Vienne et celle du Doubs ne furent même pas mises aux voix, et la motion du Nord, refusant toute mesure d’amnistie, obtint la majorité.

Dès ce moment on pouvait prévoir la suite, d’autant plus que la question avait été nettement posée par Blum sur le terrain politique. Il était évident pour tous que les sanctions disciplinaires n’étaient qu’un prétexte juridique pour se débarrasser d’une opposition politique gênante.

2° La question politique

Malgré tout, les délégués de la G.R. participèrent jusqu’au bout aux discussions, pour ne laisser échapper aucune possibilité de redressement du Parti sur le terrain politique.

Certes, nous ne demandions pas au Congrès d’adopter les thèses de la G.R., mais nous lui demandions au moins de renoncer à toute tentative d’union nationale, conformément au voeu de la quasi-unanimité du Parti. (La Fédération des Alpes-Maritimes avait, à l’unanimité, voté un ordre du jour dans ce sens, et de nombreuses fédérations en avaient fait autant.)

Or, non seulement Blum voulut à toute force faire approuver ses tentatives de « Rassemblement national » ou d’ « unité française« , mais il refusa obstinément de s’engager pour l’avenir ou de laisser poser la question au Congrès; il alla même plus loin dans son discours, déclarant qu’un gouvernement de Front populaire était impossible, et que le Parti ne pouvait revenir au pouvoir qu’à la faveur de circonstances exceptionnelles permettant la constitution de ce gouvernement d’ « unité française » auquel il ne renonçait pas. En attendant, soutien du gouvernement Daladier tant que le grand gouvernement d’unité française n’est pas possible.

Et comme si cela n’était pas suffisant, Blum annonça aux délégués, dont beaucoup n’en croyaient pas leurs oreilles, qu’en cas de guerre le Parti ne refuserait pas d’entrer à nouveau dans l’union sacrée!

On comprend les félicitations sincères des journaux de droite. Jamais, en effet, le parti socialiste n’avait été aussi « sage ». On comprend aussi l’enthousiasme de certains zyromskistes qui soulignent avec complaisance que Blum accepte la plupart des idées de Zyromski en politique extérieure, et en fait accepter, à la majorité du Parti, toutes les conséquences.

Ce qu’on comprend moins, c’est l’étonnement de certains vrais socialistes devant notre attitude. Que leur faut-il de plus? Quand donc auront-ils compris?

3° Les possibilités de redressement

Certains se bercent encore de l’espoir de travailler, à l’intérieur du Parti, au redressement nécessaire. Nous devons leur dire, avec la franchise que nous devons à de bons camarades, que c’est là un espoir complètement illusoire.

Nous avons nous-mêmes lutté, tant que nous avons pu le faire, dans le Parti. Nous avons pu constater que les militants les plus sincères, ou bien s’éloignaient du Parti et abandonnaient toute action, ou bien se laissaient peu à peu endormir et cédaient parfois, eux aussi, au chantage permanent au péril extérieur.

Les réactions spontanées, très vives au moment de la capitulation devant le Sénat, se sont peu à peu émoussées dans le Parti. La tentative « de Thorez à Reynaud » avait heurté tout le monde; aujourd’hui, ceux mêmes qui avaient critiqué le « Front des Français« , formule communiste, acceptent l’ [« ]unité française« , présentée par Blum.

Tous ont pu constater comment la bureaucratie du Parti se débarrassait de ceux qui devenaient gênants. Et tous ont pu constater que la tendance zyromskiste, en dépit d’une opposition de façade et de revendications démagogiques, se rallie, en fait, à la politique de Blum dirigée vers l’union nationale.

Ceux qui voudront défendre le socialisme traditionnel, fondé sur la lutte des classes, à l’intérieur du Parti, seront vite conduits à l’indiscipline ou s’épuiseront en luttes stériles.

Après l’escamotage du Conseil national de mars, notre dernier espoir résidait dans le Congrès de Royan. Ce Congrès a montré que le Parti était incapable de se redresser lui-même, de tirer les leçons de l’expérience, de se dégager de l’emprise de certains « chefs ».

Pour nous, la question, est tranchée. Le Parti S.F.I.O., complètement enlisé dans le parlementarisme, est incapable de s’arrêter sur la pente où se sont engagés les autres partis sociaux-démocrates.

C’est un devoir impérieux pour nous de renoncer à toute complicité avec ceux qui entraînent le Parti, et avec lui, une partie de la classe ouvrière, vers la catastrophe, même s’ils ne s’en rendent pas compte.

Nous le faisons avec un grand déchirement de coeur, car nous aimons le Parti, malgré toutes ses fautes. Mais ce qui est le plus grave, ce n’est pas de commettre des fautes, c’est d’être incapable de les reconnaître, c’est d’y persévérer.

4° Les tâches de l’avenir

On a essayé de nous retenir avec une insistance qui ne ressemblait guère à l’attitude qu’on avait eue envers nous dans le passé. Et on nous a dit que nous reviendrions dans trois mois ou dans un an.

Nous reviendrons dès que le Parti S.F.I.O. aura retrouvé son attitude vraiment socialiste, conforme aux principes essentiels de sa charte. Et nous nous gardons bien, par des polémiques acerbes ou des querelles de boutiques, de retarder d’un seul jour l’unification totale du prolétariat sur la base de la lutte de classe, de l’action révolutionnaire.

En attendant de pouvoir faire ce que d’autres n’ont pas pu ou pas voulu faire, nous avons une tâche immédiate à laquelle nous ne pouvons nous dérober: rallier tous ceux que les événements de ces dernières années avaient découragés et éloignés de l’action, rallier ceux qu’avaient déçus et écoeurés les déviations des partis prolétariens, entretenir et ranimer chez eux la flamme révolutionnaire, développer la résistance à l’union nationale et à l’union sacrée.

Nous quittons le Parti socialiste parce que nous sommes socialistes et que nous sommes décidés à le rester.

S. BROUSSAUDIER.

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Voir aussi:

Idéologie syndicaliste (Séverac, 1913)

15 février 2009

Chapitre extrait de Le mouvement syndical, par J.-B. Séverac, volume de l’Encyclopédie socialiste.

A. — Deux tendances. — « Groupés en Syndicats et Associations de Syndicats, les travailleurs réfléchissent au pouvoir qu’ils commencent à acquérir en commençant à s’unir ; ils élaborent une théorie sociale nouvelle, affirmant la valeur éminente de l’action syndicale : le syndicalisme. Mais les uns voient surtout dans l’action syndicale le moyen de détruire la société présente : leur philosophie, c’est le syndicalisme révolutionnaire ; les autres voient surtout dans l’action syndicale le moyen d’améliorer immédiatement la condition de la classe ouvrière : leur philosophie, c’est le syndicalisme réformiste ». La distinction que marque ainsi Félicien Challaye au commencement de son étude pénétrante du Syndicalisme révolutionnaire et syndicalisme réformiste, s’applique à des tendances plus qu’à des groupes bien définis ou qu’à des doctrines aux contours bien nets.
La classe ouvrière avait déjà un certain nombre d’opinions sociales au moment où elle s’est tournée vers l’action syndi-cale. Elle était ou mutualiste, ou libertaire, ou socialiste, et socialiste de telle école ou de telle autre. Elle a tout naturellement commencé par avoir de l’organisation ouvrière la notion qui cadrait avec ses opinions antérieures; elle a, tout’naturellement aussi, songé d’abord à utiliser le Syndicat en vue de ces opinions, sans lui attribuer une vertu propre; elle lui demandait, par exemple, un appui matériel ou tout simplement y faisait une propagande plus aisée.
Certes, cette conception du Syndicat n’a pas complètement disparu ; mais on peut dire que depuis le Congrès de Nantes, elle ne tient plus une place décisive dans le mouvement ou-vrier en France.

Que s’est-il passé ? La pratique syndicale, d’abord serve d’idéologies qui lui étaient extérieures, leur donne maintenant une orientation. C’est elle, à son tour, qui utilise et qui crée.
Cette action de la pratique sur les notions n’est d’ailleurs pas achevée : elle est en train de se poursuivre ; elle ne peut même que se poursuivre lentement à cause des résistances des idéologies anciennes et de la force de certaines traditions. Il n’est donc pas surprenant qu’au lieu de cette conception unique, à laquelle conduit certainement l’action syndicale, nous en trouvions encore deux et assez distantes l’une de l’autre pour que leurs défenseurs se tiennent pour des adversaires sinon pour des ennemis.
Donnons-en les principaux traits en commençant par celle qui a été élaborée la première.

B. — Le syndicalisme réformiste (*). — Suivant la conception réformiste, le but essentiel de l’organisation ouvrière est d’améliorer la condition des travailleurs sans briser les cadres sociaux actuels. Diminution de la journée de travail, augmentation des salaires, amélioration de l’hygiène, suppression du travail aux pièces, telles sont les principales tâches qu’une action syndicale concertée et soutenue devra accomplir.

Cette action évitera tout ce qui pourrait ressembler à de l’agression ou du désordre. Elle se fera le plus pacifiquement possible. Les différends entre patrons et ouvriers doivent être réglés à l’amiable, ou au moins faut-il, avant de recourir à la grève, avoir épuisé tous les moyens de persuasion. La grève, d’ailleurs, ne doit être déclarée que quand on a la quasi-certitude de la victoire, car rien n’est redoutable pour l’organisation ouvrière comme une grève aboutissant à un échec : effectifs et courage baissent ensemble. Il faudra donc être en mesure de résister longtemps grâce à des caisses bien pleines alimentées par de fortes cotisations, attendre le moment le moins favorable pour le patron et, pour cela, bien connaître l’état de l’industrie, se ménager des amitiés efficaces, en un mot, ne rien laisser au hasard.
Dans sa résistance aux revendications ouvrières, le patronat a l’aide incomparable de l’Etat. Or, il dépend de la classe ouvrière de diminuer l’importance de ce secours, en obtenant une législation du travail moins imparfaite et dont les mailles plus serrées contiendront mieux l’arbitraire patronal. Les Syndicats doivent donc avoir des représentants dans toutes les institutions touchant à la législation ouvrière : ils auront des délégués au Conseil supérieur du Travail, où les lois ouvrières sont préparées, et dans les Conseils de prud’hommes qui les appliquent ; ils seront les collaborateurs actifs des inspecteurs du travail et, s’il en est besoin, il les contraindront à faire leur devoir ; ils se serviront enfin du Parlement où ils tâcheront de faire envoyer les hommes dont les idées et les programmes concordent le mieux avec les intérêts de la classe ouvrière.
Le Syndicat, d’ailleurs, n’est pas seulement un organisme de résistance et de lutte. Il peut être le dispensateur d’un certain nombre de services, auxquels les réformistes attacheront un très grand prix : secours de chômage, de maladie ou de décès, subsides de grève ou de voyage, œuvres diverses de mutualité, écoles ou cours professionnels, etc..
Telles sont les grandes lignes de la conception réformiste de l’action syndicale. Le point de vue de la défense professionnelle est son point de vue essentiel.

C. — Le syndicalisme révolutionnaire (**). — La tendance révolutionnaire est plus complexe que la tendance réformiste.

De plus, elle s’est exprimée par une littérature dont l’abondance, la richesse et la variété permettent de dire que le syndicalisme révolutionnaire a été l’occasion d’un incomparable mouvement d’idées.
Nous ne saurions donc prétendre donner ici, en quelques lignes, la suffisante exposition d’une ample philosophie de l’action. Nous nous contenterons d’en indiquer les principales thèses, sans nous préoccuper de leurs origines.

1° La lutte des classes est à la base du syndicalisme révolutionnaire. Les ouvriers doivent prendre conscience de leurs intérêts communs et transformer en conflit voulu l’opposition réelle des classes. Tous les efforts pour rapprocher les classes, atténuer le conflit ou masquer sa profondeur sont et condamnables et vains.

2° L’État moderne a pour fonction de défendre la classe capitaliste dans sa lutte contre la classe ouvrière. Il le fait, quelle que soit sa forme et même si c’est la forme démocratique, qui ne crée qu’une illusion, d’ailleurs dangereuse, d’égalité» La lutte contre l’État est donc le corollaire de la lutte contre le capitalisme.

3° La lutte des partis politiques sur le terrain parlementaire ne saurait avoir une grande vertu. Les partis, en effet, sont des agrégats d’éléments hétérogènes qui n’ont entre eux que le superficiel lien d’une communauté d’opinions ; ils ne sauraient donc être comparés aux classes. De plus, la lutte parlementaire a nécessairement pour terme l’accord après le marchandage ; elle rapproche donc au lieu d’opposer ; elle est enfin indirecte.

4° L’étude de la législation ouvrière montre qu’elle est ou inutile ou inappliquée. Admettre le contraire serait concevoir une protection efficace des travailleurs par l’État, ce qui est absurde.

5° A l’action indirecte des luttes électorales, la classe ouvrière doit préférer l’action directe, qui consiste en la pression faite sur le patronat et les Pouvoirs publics par les organismes de classe du prolétariat : Syndicats et Unions de Syndicats.

6° Cette action peut prendre un très grand nombre de formes : grèves, manifestations, sabotage, boycottage, label, etc., La plus efficace est la grève, même quand elle échoue, car elle est une école d’énergie et de solidarité, à condition d’être menée avec audace.

7° La lutte de chaque jour doit augmenter d’ampleur et d’acuité jusqu’à ce qu’elle se transforme « en une conflagration que nous dénommons grève générale et qui sera la révolution sociale » (***).
Telles sont les principales thèses du syndicalisme révolutionnaire. Il est aisé de voir qu’elles forment un système cohérent, dont l’idée centrale est la conquête du monde par un prolétariat révolutionnaire et agissant (****).

Notes


(*) Les principaux représentants sont Keufer (de la Fédération du Livre), Coupat (des Mécaniciens), Renard (du Textile), Guérard (des Chemins de fer).

(**) Les principaux représentants sont V. Griffuelhes, Pouget, Yvetot, Delesalle.  L’expression la plus haute et la plus compréhensive des idées syndicalistes  révolutionnaires est due aux plumes de Lagardelle, Sorel I et Berth.

(***) Victor Griffuelhes, L’Action Syndicaliste, p. 26.

(****) On trouvera plus loin, au chapitre consacré au fonctionnement et à l’activité de la C. G. T., les ordres du jour, résolutions, motions, etc., présentées dans ses Congrès sur les principaux problèmes de l’action ouvrière. Ces textes sont le complément indispensable du rapide exposé qui vient d’être fait.

1909responsables-syndicauxOrateurs syndicaux à Méru en 1909

cgt-maison-des-fedes-1913Maison des fédérations de la CGT en 1913

Le Socialisme, seul, tuera la guerre (Vérecque)

17 février 2008

(Article paru dans La Femme Socialiste d’après la première guerre mondiale reproduit dans Misères et Guerre, 1934)

Nous sommes à peine sortis de la plus épouvantable guerre que les hommes aient connue que, déjà, de nouveaux cris de guerre s’élèvent de tous les pays. Mais si des hommes – des misérables et des fous – semblent vouloir recommencer la boucherie de 1914-1918, d’autres hommes, par contre, multiplient leurs efforts pour déshonorer la guerre et la rendre désormais impossible. Discours et Congrès, arbitrage international, manifestations et pétitions publiques, Société des Nations, etc.…, sont des moyens employés ou préconisés pour faire admettre la paix dans les esprits et l’imposer à notre pauvre humanité.

Je ne méconnais pas l’action menée pour l’établissement de la paix, et je ne voudrais pas décourager ceux et celles qui, venant de tous les points de l’horizon politique, essaient de l’organiser dans une société divisée contre elle-même, où la guerre sévit entre les hommes à tous les échelons de l’échelle sociale. Et si je m’associe à toutes les mesures propres à réconcilier les hommes de partout, je n’en crois moins que la guerre – comme le militarisme – ne prendra fin que par la suppression de la société capitaliste et l’instauration du collectivisme.

« On peut phraser contre la guerre, affirmait Guesde, au Congrès de Limoges, on ne saurait la supprimer dans une société basée sur les classes et leur antagonisme ».

Cela constitue une vérité si évidente que, depuis des centaines d’années, les rêves de paix et des projets de paix universelle et perpétuelle ont été faits, sans réussir à renverser une seule frontière ni à établir la fraternité entre les peuples.

C’est un roi de Bohême, Georges Podiébrad, qui, en 1464, développa devant Louis XI, un plan de pacification et d’organisation de l’Europe.

Ce sont Henri IV et Sully qui, à la fin du XVIe siècle conçurent un projet semblable et parlèrent d’une république d’Etats indépendants où les guerres eussent été rendues impossibles par l’institution d’une sorte de tribunal d’arbitrage.

C’est l’Anglais William Penn qui, en 1604, dans son Essai sur la paix présente et future de l’Europe, tenta de démontrer que l’Europe pourrait s’affranchir de la guerre par l’établissement d’une Diète ou Confédération.

C’est Emeric Lacroix qui, en 1623, dans son Discours ou occasions et moyens d’établir une paix générale, écrivit qu’une Diète ou Confédération internationale permanente aurait le pouvoir de résoudre les conflits.

C’est l’Allemand Leibnitz qui, en 1670, affirma que les querelles disparaîtraient d’entre les nations si celles-ci se formaient en Confédération.

C’est l’abbé de Saint-Pierre qui, en 1712, dans son ouvrage : Projets de paix perpétuelle, se montra le plus ardent défenseur de la paix.

C’est l’abbé Goudard qui, en 1764, dans son livre : La Paix de l’Europe ; c’est Mayer qui, en 1775, dans son Tableau politique et littéraire de l’Europe, proposèrent, pour fonder et maintenir la paix, des plans d’organisation de l’Europe qui rappellent ceux de l’abbé de Saint-Pierre.

C’est l’Allemand Kant qui, en 1795, dans un Essai philosophique sur la paix perpétuelle, exposa un plan de la paix au moyen de l’arbitrage.

Et depuis, depuis ces siècles écoulés, d’autres rêves de paix et d’autres projets de paix sont sortis des cervelles humaines. Combien de penseurs et de savants, d’écrivains et d’économistes ont proposé de réconforts et d’alléchants plans pour la réalisation de la paix, ou proclamé que les Etats-Unis d’Europe ou la Société des Nations, disposant d’une armée internationale, finiraient par tuer la guerre ?

Remarquons en passant que jamais il n’y a eu autant de guerres, autant de conflits, autant de sang répandu que depuis que l’on parle davantage de la paix. N’est-ce pas une ironie, d’ailleurs, d’entendre les trompettes de la paix résonner à nos oreilles et de voir les hommes de tous les milieux et de tous les partis, animés de sentiments de haine et de jalousie, s’entre-déchirer comme ne le font pas les animaux sauvages ?

Certes, on peut s’abandonner aux plus généreuses des illusions – je me souviens que, moi-même, au temps de mon adolescence, j’ai écrit un article qui avait pour titre : Guerre à la guerre – et vulgariser par la plume et la parole des idées de paix. C’est là un exercice que l’on répète depuis des siècles et qu’il n’est pas défendu de répéter encore. Mais on peut aussi agir et croire différemment. Ce ne sont pas des sermons de morale qui dirigent les hommes : ce sont leurs intérêts. Et leurs intérêts sont tels aujourd’hui qu’ils dressent les hommes les uns contre les autres.

La guerre et le militarisme – contre lesquels certains voudraient engager une campagne spéciale – sont des conséquences, des produits de la société capitaliste et ne disparaîtront qu’avec elle. C’est ce dont doivent bien se pénétrer ceux et celles qui, sincèrement, veulent la paix.

Guesde a écrit, à ce sujet :

« La guerre n’est qu’une des formes et un des effets de l’antagonisme des intérêts sur lequel est basée la société capitaliste et ne saurait disparaître qu’avec cette dernière … Rêver de paix internationale, alors que la guerre est partout, sévissant, dans l’ordre économique, non seulement entre les classes, mais dans le sein même de ces classes, entre les membres qui les composent, autant placer ses espérances de roses sur des orties ».

Oui, la paix est interdite à une société partagée en classes ennemies, basée sur la guerre économique, sur la lutte de tous contre tous, et dans laquelle, selon la parole de Hobbes, l’homme est un loup pour l’homme. Les efforts pour la réaliser peuvent permettre d’éloquents discours et d’énergiques protestations qui déchaînent, à l’occasion, les applaudissements et l’enthousiasme des foules, mais ils sont et demeurent impuissants pour abolir la guerre, parce qu’ils n’atteignent pas la source du mal.

Guesde, que je tiens encore à citer, a écrit :

« Tout ce que l’on tentera en faveur de la paix, présentée comme un objectif à atteindre isolément, en détournant les esprits de la révolution, ira contre cette paix, retardée d’autant, qui est et n’est qu’au bout du triomphe du Socialisme ».

Seul l’avènement d’un ordre nouveau, supprimant l’exploitation de l’homme par l’homme et faisant surgir la solidarité humaine de la communauté du travail et de la propriété, mettra fin au militarisme et fondera cette paix définitive, que l’on recherchera vainement en dehors du Socialisme.

C’est pourquoi le devoir et l’intérêt de ceux et celles qui poursuivent l’abolition de la guerre, de toutes les guerres est de venir au Parti Socialiste, qui est le seul parti de la Paix, le seul parti voulant et pouvant vouloir la Paix.

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Dédicace à DSK…

11 juillet 2007

Les incompatibilités socialistes

Extrait des Rapports du 29° Congrès national du Parti socialiste SFIO (29 mai-1° juin 1932).

Le Conseil National, après avoir repoussé par 2638 mandats contre 778 une motion préjudicielle de la fédération de la Gironde, adopte à l’unanimité le rapport suivant, présenté au nom de la C.A.P. par Jean Longuet, Léo Lagrande, Jean Zyromski, et amendé par Emile Khan:

Le problème des incompatibilités entre certaines fonctions et la qualité de membre du Parti socialiste, entre certains aspects de l’activité professionnelle et l’intérêt évident de notre organisation, s’est depuis longtemps déjà posé sous des aspects divers à nos militants.

C’est ainsi que le Congrès de Saint-Étienne, en 1909, discutait et résolvait dans le sens de la négative, la question de savoir si un membre du Parti socialiste pourrait accepter les fonctions d’attaché, voire de chef de cabinet des ministres de la bourgeoisie.

Saisi de ce problème par notre camarade A. Morizet, le Congrès de Saint-Étienne, après un assez vif débat, votait à l’unanimité – moins la seule voix du citoyen J.-L. Breton – la résolution suivante:

« Le Congrès national,

Considérant que les fonctions de chef ou d’attaché de cabinet, de secrétaire particulier et d’une façon générale de membre d’un cabinet ministériel, sous quelque titres qu’elles soient exercées, ne sont pas celles d’un travailleurs salarié, mais celles d’un collaborateur et d’un complice attaché à la fortune d’un adversaire du Socialisme; que la participation au pouvoir est contraire à l’esprit et à la lettre des règlements du Parti, et que ce qui est interdit aux élus ne saurait être permis aux autres militants,

Décide,

Les Fédérations, qui par une regrettable tolérance, conserveraient dans leur sein les membres d’un Cabinet, les mettrons immédiatement en demeure de choisir entre leurs fonctions ministérielles et leur qualité d’affilié au Parti socialiste. »

C’est animé de la même conception que nous estimons qu’il y a incompatibilité entre la qualité de membre du Parti et des fonctions directement associées à la politique gouvernementale.

Cependant, les instances centrales du Parti, ses Congrès ou ses Conseils nationaux n’ont pas été amenés jusqu’ici à examiner ces problèmes dans leur ensemble, ni dans certains de leurs aspects les plus délicats, tels qu’ils ont été posés plus particulièrement au cours de ces dernières années devant l’opinion publique.

Sur le mandat qui lui a été conféré par le Congrès national de Tours, la C.A.P. vient, aujourd’hui, proposer au Parti d’édicter certaines règles précises qui lui paraissent nécessitées par l’intérêt le plus évident du Socialisme, de son organisation et de sa propagande.

(…)

Mais d’une façon générale, le problème des incompatibilités doit être examiné et résolu à la lumière des principes généraux que nous avons posés: en aucun cas un membre du Parti, quelle que soit sa forme d’activité professionnelle, ne peut l’utiliser au profit d’intérêts privés manifestement contraires à l’intérêt public, comme aux intérêts directs des organisations de la classe ouvrière.

N’est pas le cas de la direction générale du F.M.I.?

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Dépêche AFP 10-07-2007:

Henri Emmanuelli, député PS des Landes s’est demandé mardi si le FMI était le lieu adéquat pour qu’un socialiste « s’épanouisse« , évoquant la candidature de Dominique Strauss-Kahn à la tête du FMI.

« Je m’interroge sur la possibilité pour un socialiste, compte tenu de ce qu’est le FMI, de ce qu’est sa politique, de s’épanouir à la tête de cette institution qui, aujourd’hui est quand même un petit peu à la marge, après quelques exploits, en Amérique du Sud et en Asie« , a déclaré M. Emmanuelli dans les couloirs du Palais-Bourbon.

Interrogé sur la politique d’ouverture à gauche de Nicolas Sarkozy, il a estimé que « c’est une habileté que le président de la République aurait tort de se refuser« .

« Mais elle n’engage que ceux qui succombent, pour moi le PS c’est 270.000 adhérents, 53 présidents de conseil généraux, 20 présidents de régions ce n’est pas quelques personnes égarées ailleurs », a-t-il lancé.

Vidéo du Congrès SFIO de 1944

3 avril 2007

Le premier congrès socialiste (SFIO) à la mutualité

FRANCE LIBRE ACTUALITES
AF – 24/11/1944 – 00h06m15s

Vidéo sur le site de l’INA: cliquer ici

(visionnage sans téléchargement gratuit)